Paula Moreno, ex-Ministre de la culture sur la représentativité des afrocolombiens
Paula Moreno
Au cours des deux événements, l'objectif était de reconnaitre les représentants afros. Dans le cas du Petronio, il y a eu l'hommage mérité rendu au musicien Hugo Candelario González, enfant du métissage, originaire de la municipalité noire de Guapi et qui depuis 30 ans ouvre des espaces pour les musiques de marimba. Un de ces artistes, comme Jairo Varela ou Alexis Lozano, qui depuis Cali ont recréé et projetté les rythmes et les racines de l'identité noire du Pacifique Colombien. Hugo représente une région et la culture noire, avec une identité qui s'appuie sur la force de ses origines et son héritage musical.
Pour ce qui est du Sommet, l'annonce “historique” de la présence de deux ministres noirs dans le cabinet –Alfonso Gómez Méndez et Amylkar Acosta– a été faite. Les deux ont quelques jours plus tard clarifié en disant que s'ils sont effectivement des descendants de noirs, c'est plutôt leur appartenance régionale qui prime sur celle ethnique dans leur identité politique. Il serait complexe d'assumer en plus d'une longue trajectoire politique comme celle des deux ministres, le poids historique que signifie le fait d'être le référence directe pour plus de 10 millions de colombiens, pour lesquels faire partie de la démocratie représentative demeure exceptionnel et non naturel.
Cette annonce a provoqué un tel niveau de déconcertation, non seulement au sein de la communauté afro, mais aussi dans toute cette communauté métisse, indigène et blanche qui comprend le poids historique que la variable ethnique a dans le progrès du pays. Parce qu'il recevait un leadership afro global, le pays ne savait pas comment présenter le fait que dans presqu'aucune sphère ne se trouve des dirigeants noirs avec un pouvoir de décision ; que la route est encore très longue avant de générer une égalité des chances effective et que cela est lié directement au fait qu'une partie critique du conflit que vit le pays se trouve sur les territoires majoritairement noirs et indigènes.
Alors que j'examinais le sujet avec des amis afrobrésiliens, nous nous sommes souvenus que l'un des faits marquants et historique relativement à la représentativité ethnique régionale fut la nomination du premier cabinet du président Lula, avec quatre de ses membres qui étaient des leaders noirs ayant une identité, un discours et une trajectoire : Gilberto Gil, Pelé, Benedita da Silva et Matilde Ribeiro. Ce geste eut un impact sur l'estime de soi d'un Brésil majoritairement noir, qui fit croitre son niveau d'autoreconnaissance à 55% et où, même si la lutte continue, il y a davatage d'espace. Un exemple de sa contribution a été le renforcement de la relation du Brésil avec les pays africains qui sont devenus son cinquième partenaire comercial. Il suffit de rappeler la rencontre de présidents africains à Bahía, organisée par Gilberto Gil et au cours de laquelle fut établi un agenda avec de multiples fruits sur le marché culturel, en infrastructure et autres qui font que le Brésil est concurrent de la Chine et de l'Inde sur le continent africain, comme l'a reconnu le président Obama lors du lancement du programme Power Africa il y a quelques mois dans la ville du Cap. J'espère que nous aussi nous ferons des pas historiques dans le sens des opportunités pratiques de progrès économique et social.
Tout comme nous avançons en matière culturelle, il est fondamental que nous progressions sur l'arène politique pour avoir la légitimité pouvoir dire qui représente qui, à travers des identités engagées et non imposées.
Paula Moreno
Présidente de la Corporation Manos Visibles
Info@manosvisibles.org
Traduit de l'Espagnol par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com