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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
19 novembre 2009

Interview Juan García Salazar, militant de la commission de l’ethnoéducation afroéquatorienne

afro

PHOTO: PAÚL NAVARRETE / El Telégrafo

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PROFIL

Juan García Salazar est considéré comme  ‘l'ouvrier du mouvement  noir’ du fait de son combat pour le peuple afrodescendant. Il fait partie de la Commission d'EthnoÉducation depuis dix ans en compagnie de 62 autres éducateurs afroéquatoriens.
Il a mené des études sur l'état de la culture afro dans le pays. L'éducateur afroéquatorien passe en revue les faiblesses et les devoirs à faire dans l'enseignement destiné aux afroéquatoriens.

Les mots de Juan García Salazar peuvent sembler pessimistes pour ceux qui défendent les avancées réalisées dans l'éducation afroéquatorienne, mais comme il le dit lui même de toute manière : “L'éducation Ethnique n'est pas présente dans le pays”.

Parmi ses dénonciations on retrouve l'exclusion et le traitement “bienveillant” qui cantonne les afrodescendats à un plan simplement folklorique. 

García, membre de la Commission d'EthnoÉducation des enseignants afrodescendants (comisión de etnoeducación de maestros afrodescendientes) a pris part en fin de semaine dernière à un atelier organisé par l'Unesco-Équateur.

On dit que l'éducation ethnique est un moyen de surmonter les iniquités entre les métisses et les noirs sur le plan de l'éducation. Quelles ont été les réussites dans ce sens depuis les 10 ans d'application de cette thématique?

Au cours de ces 10 années, une ligne directrice a été établie pour commencer à discuter de ces iniquités et essayer de comprendre que l'éducation est un processus qui légitime les inégalités. C'est le premier élément qui dévalorise certains êtres humains et en valorise d'autres.

Vous voulez parler du fait de placer certains au dessus des autres ?

Pas tant cela, mais plutôt qui oblige à apprendre ce qu'il n'est pas nécessaire de savoir. 

Et selon vous, qu’est ce qu’il n'est pas nécessaire d'apprendre?

Quand nous les noirs allons à l'école, nous apprenons l'histoire des blancs, et c'est injuste, car aucun blanc n'apprend l'histoire des noirs.

 
Dans ce contexte, quel est le rôle de l'éducation ethnique?

Il doit être un chemin. Même si peu de choses ont été faites au cours de ces années, parce que les initiatives qui sont là sont individuelles, abandonnées, périphériques et marginales, parce qu'elles proviennent des noirs. Il n'existe par conséquent aucune chance que cela se transforme en quelque chose de concret.

  De quelle manière les actions périphériques affectent-elles le cheminement vers la systématisation ?

Je crois que ce que ça fait c'est de dire qu’il y a quelque chose là, c’est une nécessité, nous sommes en train de le démontrer.  Et c’est un appel, une réponse à l’autre.  Les enfants noirs continuent d'aller dans les écoles officielles, mais les gens continuent de dire que ce n'est pas ce qu'on veut faire, qu'il faut faire autrement. Dans cette mesure, on devrait imposer et motiver à l'action.

Comment matérialiser le dialogue par des faits concrets?

C'est une longue route. Je n'aspirerais pas à ce que l'on revive dans la décolonisation les mêmes 500 ans de colonisation déjà vécus jusqu'à présent, mais c'est un long processus.   Les blancs et les métisses, ceux qui détiennent le pouvoir et ont une plus grande représentation devraient mener des actions.

De quel type?

Par exemple,  comprendre que les savoirs et la science de la communauté afroéquatorienne sont des valeurs que l'on perd et que l'on délégitime, et qu'il serait plus utile d'apprendre que de désapprendre. C'est plus utile pour la construction d'une société afrométisse que les savoirs culturels cessent d'être de simples éléments folkloriques et qu'on continue de nous considérer comme des éléments folkloriques. Il y a beaucoup de choses qui pourraient être faites pour en arriver à une éducation formelle.

Que faut-il faire à cette étape ci du processus ?

À ce moment, il faut faire un diagnostic, une espèce de discussion pour déterminer où l'on souhaite aller, ce à quoi on s'attend des organismes officiels.  Car la communauté noire ne demande pas seulement un espace à l'extérieur pour enseigner ces propres savoirs, mais elle demande également une place à l'intérieur pour renforcer les faiblesses internes.

Quelles ont été ces faiblesses internes?

Le fait que nous soyons une minorité exclue, nous n'avons aucun pouvoir, nous ne gérons pas l'économie, nous ne prenons pas de décisions.  Autrement dit, j'aimerais créer ma propre école pour enseigner aux enfants noirs, au moins au cours des six premières années, ce qu'ils doivent apprendre et ce qu'ils doivent désapprendre.   

Mais s'il existe des écoles comme celle de Carchi ou d' El Chota où on donne des cours d'éducation ethnique, c’est qu’il doit y avoir une certaine force dans le travail qie cous avez réalisé au cours de cette décennie de l’intérieur ?


Je ne pense pas que l’éducation ethnique existe dans le pays.  On est en train de faire des contenus de Curriculum, mais tout cela doit être démonté. Autrement dit, on ne veut pas juste des contenus comme la musique, la danse et des contes. Ce qu'il faut, c'est une intériorisation totale

Quelle serait la partie médullaire ?

L'identité. L'enfant doit savoir que son identité lui est propre, mais qu'il a dans le même temps un antagonique, qui se bat, et le maintient là dans cette exclusion.

Que faut-il faire pour éliminer cette exclusion?

Discuter des besoins et cela doit commencer avec l'éducation ethnique, mais également avec l'éducation hors de la maison. Vous ne devez pas me voir comme ce noir qui marche là.  Vous ne devez pas serrer votre portefeuille chaque fois que vous me croisez dans la rue. Vous devez savoir que je suis une personne qui a une valeur, des connaissances et une religiosité.  Tout comme il y a des noirs voleurs, il y a aussi des métisses voleurs. Un enfant ne doit pas avoir honte de ce qu'il est.

C'est à dire que selon vous le métisse s'est arrêté à la folklorisation du noir ?

  Des fois, on voit “bien” la culture afro comme un spectacle, mais quand il s'agit de voir un afrodescendant comme un être avec lequel on peut dialoguer d'égal à égal, on commence à réfléchir.  Et si l'enfant (de cet afrodescendant) veut sortir avec ma fille (métisse), on y réfléchit encore davantage. 

Comment faire pour que l'on commence à inclure les matières d'éducation ethnique dans les programmes des écoles d'État ?

L'inclusion dans les programmes n'est pas tout. Ce dont les gens ont besoin, c'est un processus d'intériorisation, de ce que nous appelons un sentiment d'appartenance. Il s'agit d'un travail identitaire que nous ne trouvons pas à l'école.
 
Quelles sont les possibilités que soient envisagées des actions concrètes?

S'il y  a un arbitre qui fait des propositions, le résultat sera positif, car on se rejoindra tous ensemble autour des propositions apportées par ce facilitateur, car parfois ces derniers ne savent pas dans quel sens partir ou par où commencer.

Fátima Cárdenas
fcardenas@telegrafo.com.ec
Reporter – Quito

Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga

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