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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
25 juin 2014

Race et racisme dans le football et dans la société honduriens

En 2011, un certain nombre d'incidents entourant le football et le racisme ont fait les unes internationales (et plus particulièrement les affaires John Terry-Anton Ferdinand et Luis Suarez-Patrice Evra).

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Loin de l'attention de la plupart de la presse internationale, les joueurs afrohonduriens ont mené leur propre charge pour mettre fin à la discrimination raciale. Osman Chavez, alors défenseur central qui débutait avec Los Catrachos (d'un des noms de l'équipe nationale du Honduras) et plusieurs de ses coéquipiers ont décidé de boycotter les médias nationaux dans le cadre d'une campagne intitulée ''journalisme sans discrimination."

Les commentaires racistes sur les pages Web de journaux apparaissaient régulièrement, qui le dénigraient ainsi que beaucoup d'autres de l'équipe. Il pouvait comprendre le racisme en Pologne, où il a joué professionnellement, découlait en partie du fait qu'on n'y voyait pas beaucoup de gens d'autre couleur. Mais "dans ton propre pays, mon frère, où tu es né," dit-il, "c'est  intolérable, ça ne peut pas rentrer dans mon esprit ." En Octobre de cette année, Johnny Palacios, qui à l'époque était également un joueur de l'équipe nationale, a accusé un arbitre du championnat professionnel hondurien d'avoir tenu des propos racistes à son encontre au cours d'un match.

Le racisme n'est certainement pas nouveau au Honduras. Le Honduras s'identifie comme une nation métisse - des racines métis autochtones et européennes - et officiellement seuls 2% de la population est d'origine africaine (même si le taux réel peut être aussi élevé que 10%). Et le fait qu'environ la moitié de l'équipe nationale du Honduras à la Coupe du Monde 2014 soit afrohondurienne ne sert qu'à suggérer que d'autres problématiques sont en jeu, comme l'accès à l'éducation et aux opportunités d'emploi. Mais l'histoire est aussi en jeu, et l'équipe expose les acrobaties faites historiquement par l'État hondurien pour tenter de "blanchir" la nation.

Au début du 20e siècle, les dirigeants nationalistes du Honduras adhéraient aux idées du mestizaje -Valorisation de la nature raciale métis des pays latino-américains popularisée par le penseur mexicain José Vasconcelos - comme un moyen de susciter la fierté nationale. Bien que le métissage relevait les indigènes, il restait basé sur une idéologie raciste du 19ème siècle, qui plaçait les Africains au bas de la hiérarchie raciale. Les personnes d'ascendance africaine étaient considérés comme un obstacle au développement national, et leur présence devait être réduite au minimum. les noirs, selon les penseurs du Honduras de l'époque, étaient "des éléments ethniques arriérés" et représentaient "un problème pour la pureté de la'' race Hondurienne. "

Ainsi, dans les années 1900, les intellectuels du Honduras et les représentants du gouvernement ont commencé à chercher des moyens de mettre en valeur le patrimoine autochtone du Honduras. Dans les années 1920, ils ont "trouvé" leur nouveau héros national: le guerrier Lenca Lempira. Il mena une guerre futile contre les conquistadors espagnols dans les années 1530, mais fut récompensé près de 400 ans plus tard. Bien qu'auncune image de Lempira n'existait, le gouvernement hondurien en a produit une, qui orne encore les billets de la monnaie du Honduras qui portent son nom.


En embrassant Lempira, les honduriens nationalistes créèrent non seulement une icône culturelle pour un pays soi-disant construit sur des bases européennes et autochtones, mais réécrivaient également explicitement l'histoire des racines africaines de la nation. Selon les premiers penseurs du 20e siècle, la population noire du Honduras est arrivée à l'occasion de l'afflux de travailleurs des Antilles anglophones pour les plantations de bananes à la fin des années 1890, et ils sont restés confinés à la côte nord et aux îles de la Baie. Ils ont couplé la reconfiguration discursive de l'histoire du Honduras au racisme pratique: les lois sur l'immigration en 1929 et en 1934 interdisaient l'entrée des noirs dans le pays.

Cependant, les racines africaines du Honduras sont beaucoup plus anciennes. Les Personnes afrodescendantes sont arrivées en quatre vagues différentes. Beaucoup d'Africains sont arrivés au Honduras dans les années 1500 avec les premiers Espagnols (et ont peut-être combattu Lempira) et ont joué un rôle crucial dans le développement de la colonie et de son économie.

Une deuxième population afrodescendante a émergé - dans les années 1600 - de mariages entre esclaves naufragés et et fugitifs et des populations autochtones sur la côte nord. Les Miskitos, comme ils sont connus, se sont associés aux britanniques et attaquaient de façon intermittente les colonies espagnoles. Le troisième afflux important de personnes d'ascendance africaine s'est produit en 1797, avec l'arrivée des Caraïbes noirs - esclaves fugitifs et membres du groupe autochtone Caraïbes - qui furent déportés aux îles de la Baie après avoir perdu une guerre contre l'Angleterre et la France. Ces exilés ont vite rejoint le continent et sont devenus connus sous le nom de garifuna, qui reste le plus important groupe ethnique afrodescendant au Honduras. Et la quatrième vague - connus sous le nom de negros ingleses - est arrivée à la fin des années 1800 des Caraïbes britannique pour travailler dans les plantations de bananes.

Tandis que les livres d'histoire ont cherché à désafricaniser le Honduras, les données de recensement ont également joué un rôle dans la minimisation de la présence des non-mestizos dans la nation. Dans un tour de passe passe linguistique, l'État du Honduras a effacé la possibilité de revendiquer des racines africaines. Le recensement de 1910 a dénombré sept races différentes: ladino (une expression fourre-tout pour les métis), indigène, mestizo, blanc, noirs, mulâtres et ''jaune''. Mais dès 1916, il n'y en avait que deux (autochtones et ladino), et dans les années 1920, les catégories raciales ont cessé d'exister. Il n' y avait pas de Noirs au Honduras, car il n'y avait que les Honduriens. L'identification raciale allait finalement faire son retour dans le recensement, mais aucune catégorie pour l'ascendance africaine - ladino, mulâtres ou noirs - n'a existé jusqu'en 2001.

Les Afro-Honduriens ont pourtant toujours été visibles dans la nation, et en particulier en équipe nationale de football. Alors qu'on ne connait pas la composition de la première équipe du Honduras à avoir joué un match international - en 1921 - en 1930, quand le Honduras a remporté son premier match, au moins quatre joueurs de l'équipe étaient noirs.

Et cela se passait à une époque où le Brésil ne permettait pas encore à des Afrobrésiliens de représenter la nation à l'échelle internationale. De même, en 1982, lorsque le Honduras choqua les hôtes du Mondial en Espagne avec un match nul 1-1, les Afrohonduriens constituaient une grande partie de l'équipe, avec le défenseur Alan Anthony Alan Anthony Costly (père de l'attaquant hondurien Carlos Costly qui joue actuellement le mondial) et le gardien Julio Cesar Arzú.

Cependant, présence dans l'équipe de football ne signifie pas  acceptation. Duranr la plus grande partie du 20ème siècle, l'État hondurien a ignoré sa population afro-descendante - ou pire. En 1937, le gouvernement de Tiburcio Carias a massacré 22 dirigeants garifuna dans le village de San Juan. La langue garifuna fut interdite dans les programmes scolaires jusqu'aux années 2000. Les indicateurs sociaux chez  les Honduriens noirs ont tendance à se situer près du fond; l'accès à l'éducation et à l'emploi est à la traîne par rapport la plus grande partie du reste du pays. Et le racisme persiste également dans le football. En 2006, un politicien a affirmé que les Noirs avaient fait baissé le niveau de jeu de l'équipe parce qu'ils n'étaient pas aussi "intelligent" que d'autres Honduriens. En réponse à la campagne 2011 de lutte contre le racisme de Chávez, un ancien psychologue de l'équipe nationale du Honduras a affirmé que "les Noirs, par nature, ont une faible estime de soi et cherchent donc  des moyens pour attirer l'attention sur eux."

En d'autres termes, alors que les Afro-Honduriens constituent une grande partie de l'équipe nationale - et ça a toujours été le cas - leur présence n'a pas encore conduit à une plus grande tolérance. Cela n'a pas non plus entraîné un changement dans le discrous dominant sur la race au Honduras. Qu'est-ce que cela signifie? La persistance de comportements racistes au Honduras implique que le football, que beaucoup prétendent être capable de changer les attitudes sur la race et pour la création d'un monde plus juste, peut-être pas la panacée que beaucoup voudraient qu'il soit. 

Joshua Nadel est l'auteur de "Fútbol!: Why Soccer Matters in Latin America.” Il est professeur adjoint d'histoire et directeur associé du Global Studies Program à l'Université de North Carolina Central.

Traduit de l'Anglais par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com/

Source : http://www.washingtonpost.com/blogs/monkey-cage/wp/2014/06/19/race-and-racism-in-honduran-soccer-and-society/

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H
Où que l'on soit sur cette planète, la couleur sombre est l'objet de toutes les craintes d'abord et de tous les dénigrement ensuite. Il ne faudrait cependant pas que cela conduise ces populations à adopter une attitude victimaire non, elles doivent apprendre à puiser dans leur fort intérieur leurs forces et ne compter d'abord que sur elles mêmes avec fierté.
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H
Où que l'on soit sur cette planète, la couleur sombre est l'objet de toutes les craintes d'abord et de tous les dénigrement ensuite. Il ne faudrait cependant pas que cela conduise ces populations à adopter une attitude victimaire non, elles doivent apprendre à puiser dans leur fort intérieur leurs forces et ne compter d'abord que sur elles mêmes avec fierté.
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Où que l'on soit sur cette planète, la couleur sombre est l'objet de toutes les craintes d'abord et de tous les dénigrement ensuite. Il ne faudrait cependant pas que cela conduise ces populations à adopter une attitude victimaire non, elles doivent apprendre à puiser dans leur fort intérieur leurs forces et ne compter d'abord que sur elles mêmes avec fierté.
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Où que l'on soit sur cette planète, la couleur sombre est l'objet de toutes les craintes d'abord et de tous les dénigrement ensuite. Il ne faudrait cependant pas que cela conduise ces populations à adopter une attitude victimaire non, elles doivent apprendre à puiser dans leur fort intérieur leurs forces et ne compter d'abord que sur elles mêmes avec fierté.
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