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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
5 décembre 2012

Molefi Asante : ''remettre les peuples africains au centre de leurs propres expériences''

Faire venir au Brésil le Dr. Molefi Kete Asante – un des plus illustres intellectuels noir au monde a sans doute été toute une prouesse de l'organisation de la 10ème Édition du Copene, une rencontre d'intellectuels noirs qui s'est tenue à Santa Catarina. Asante est le créateur du premier progamme de doctorant au monde ayant pour thématique le continent africain, auteur de plus de 200 articles académiques et fondateur du mouvement philosophique de l'Afrocentricité, Asante a été formé à l' Université de Californie, a travaillé comme journaliste au Zimbabwe, fut membre de diverses institutions académiques, a fait des discours sur plus de 250 campus, a débattu avec les conservateurs blancs et noirs sur des questions comme l'afrocentricité, le multiculturalisme et l'éducation antique, entre autre. Poète, dramaturge et également peintre, Molefi Kete Asante est le plus grand écrivain africain américain, avec plus de 70 livres publiés sur les sujets les plus variés. Selon Elisa Larkin Nascimento, qui nous a assisté durant cette entrevue,  Asante pensait à des choses semblables quand Abdias Nascimento domptait la question raciale au Brésil.

 

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Qu'est ce que c'est exactement l'afrocentricité, un mot très utilisé dans vos travaux?

L'afrocentricité est une théorie qui dit que les peuples africains doivent voir le monde dans leur propre perspective, ce qui signifie que l'africain, dans toutes les situations, est un agent sujet de sa propre expérience, non pas seulement dans les marges de l'Europe. Pendant 400 ans, les peuples africains ont été extirpés de leur position au centre de leurs propres expériences. L'afrocentricité est une perspective qui permet aux peuples africains de se replacer au centre de leurs propres expériences.

De quelle manière ces expériences peuvent-elles avoir un impact sur le quotidien de la diaspora africaine ?


Il n y a rien de plus correct pour les peuples africains ou les africains au Brésil, en Colombie, aux États-Unis, en Jamaïque et en Afrique que notre propre expérience historique. Si nous sommes engagés dans le processus de maturité, nous devons étudier notre propre culture, notre philosophie, nous devons honorer nos ancêtres, nous devons respecter les traditions philosophiques que nous avons produit pendant des milliers d'années. Nous ne pouvons pas simplement les rejeter ; mais l'expérience de l'esclavage, l'esclavage du colonialisme, et l'idéalisme nous ont éloigné de nous mêmes, nous avons été désorientés et par conséquent, nous sommes devenus des imitations de l'Europe. L'Afrocentricité est un projet pour la santé de l'esprit, pour récupérer cette fierté millénaire que le processus de l'esclavage a déprécié.

L'expérience brésilienne dans la création des départements d'études / cercles de réflexion noirs ( núcleos negros) dans les universités est récente, elle a un peu moins d'une décennie. Comment s'est fait la création de ces cercles dans les universités américaines, ?


Aux États-Unis, la démarche initiale consistant à créer les départements d'études africaines américaines était contre le système, car normalement, les départements sont créés par le corps enseignant, mais ceux-là furent créés par les étudiants qui, après être passés par l'université, rejetaient les doctrines disciplinaires conventionnelles racistes, en tant qu'étudiants de l'Université de Californie à Los Angeles. J'étais avec les étudiants, qui croyaient que nous avions besoin d'une éducation plus pertinente, nous voulions apprendre sur les philosophes blancs décédés, mais nous voulions aussi apprendre sur les philosophes noirs, nous voulions apprendre sur les théories psychologiques du monde occidental, mais on se demandait: “Où sont les théories africaines ?” Nous voulions apprendre la littérature du monde occidental et aussi la littérature du monde africain. Il n y avait pas de place pour cela dans l'ancienne tradition académique, de là est née l'idée de la nécessité de créer ces départements d'études.

 Concrètement, que revendiquait dans ces universités  le groupe que vous mmeniez dans les années 60 et 70 ?

On voulait que nos universités répondent non seulement à notre diversité, mais aussi à nos idées, opinions et divers concepts propres. Rien n'expliquait que Duke Ellington, par exemple, un compositeur de musique avec trois mille oeuvres ne soit pas étudié dans les facultés de musique. On pouvait se former, obtenir un diplôme en musique sans jamais avoir entendu parler de Duke Ellington – le compositeur le plus productif de l'histoire de la musique américaine. On se demandait dans le cadre de la musique, quelle était la pertinence de ce diplôme. Sur tous les campus, c'était pareil, de nombreuses universités demandèrent que l'on développe des bibliographies et des programmes, parce que les professeurs blancs ne s'étaient jamais informé sur cette matière, ils ne connaissaient pas cette histoire, nous avons dû la développer.

 Mais faire ce type de changement n'est ce pas aller contre toute tradition, contre le format et l'idéologie de l'académie ?


Marcus Garvey, un des grands activistes et intellectuels américains disait que le monde blanc fait la promotion de ses idées en s'appuyant sur la mystification, sur le bluff. Le format académique c'est du bluff, on peut créer ces formats à partir de n'importe quel discours, de n'importe quelle culture, de la Chine, de l'Inde, de l'Afrique... Nous sommes des êtres humains avec la capacité et l'habileté de promouvoir la pensée progressiste, mais le bluff c'est de dire que vous vous ne pouvez pas faire ceci, parce que vous n'avez pas appris la façon correcte de le faire, c'est donc une structure imposée, le mouvement des études noires fut anti-structurel. Le mouvement suggère, par exemple, que nous pourrons commencer une discussion sur toute la pensée de la culture classique africaine, de la même façon que les européens ont commencé en partant de  la Rome, de la Grèce classique, de la même manière que les asiatiques commencent avec la Chine. Dans ce travail, il est bien évident pour nous qu'il n'est pas nécessaire de suivre une ligne de pensée selon laquelle l'Europe est spéciale.

Que l'on peut avoir une réponse diverse aux phénomènes humains.


Oui, on peut faires les harmonies ancestrales africaines ou européennes. L'Europe peut apprendre de l'Afrique, l'Europe n'est pas simplement le professeur et nous les élèves. Nous tous pouvons être les maîtres et les élèves dans cette révolution, parce que beaucoup d'entre nous, les noirs des États-Unis, ne nous étions jamais vus comme de possibles maîtres, mais quand nous avons apporté notre connaissance, nous nous sommes rendus compte qu'elle n'est pas inférieure à la connaissance qu'ils ont apporté.

Pour revenir un peu sur le “bluff” académique blanc, ne pensez-vous pas que certains universitaires noirs - titulaires de maîtrise ou de doctorats - lorsqu'ils décodent ces “bluffs”, reproduisent également cette façon d'imposer leur connaissance?


Bien sûr que oui, cela existe aux États-Unis, en Afrique également, sur le continent européen et au Brésil, dans toutes les sociétés  où il y a eu une domination blanche au niveau académique, parce que nous, en tant qu'étudiants, nous essayons de faire une incursion dans cette académie. Nous devons suivre les procédures et les formats qu'ils ont créé pour réussir, mais, celui qui résiste réussit à créer une nouvelle façon d'aborder la connaissance qui nous apporte une nouvelle révélation, comme Abdias do Nascimento. Il a été une personne de ce calibre, non pas seulement au Brésil, mais aussi aux États-Unis, Dans de nombreux aspects, peut-être qu'Abdias n'avait pas suivi le format, il était structuré. Il a créé aux États-Unis et au Brésil de nouveaux courants de pensée, il est parti de ce qui se trouvait dans la culture afrobrésilienene et a créé un concept avec cette histoire du quilombisme, qui est devenu un concept ce la science sociale. Maintenant, une personne blanche aux États-Unis ou au Brésil qui veut parler de ce concpet rentre dans le cadre du courant principal du discours africain. Le quilombisme est une idée intellectuelle, il est important de dire que ce dont il parle ne se réfère pas qu'aux phénomènes des quilombos, des communautés, c'est une proposition pour l'organisation de l'état brésilien, de la nation.

Ne pensez-vous pas que la pression du monde académique, les délais, les tâches et l'atmosphère eurocentrique de tout le temps faont blanchir toute théorie?


J'ai reçu une bonne éducation, semblable à celle d'un petit blanc, et il a fallu de nombreuses années pour laver  mon esprit de cette chose, parce que j'étais en voie de devenir comme ces noirs standardisés du fait de la séparation de ma propre histoire de ma propre culture et de ma propre histoire de l'intérêt de mon peuple. C'est ce qui arrive, c'est ce que cet enseignement produit sur vous. Pour pouvoir me réorienter, j'ai dû lire et étudier au sujet de Luiz Gama, Luiza Mahin, João Cândido, retourner à cela pour apprendre et réapprendre.

 

D'où l'importance de renforcer ces cercles d'études?

Oui,sans doute, et encore plus parce que nos enfants, nos fils ont besoin de confiance, ils doivent aussi arriver au monde avec la connaissance de qui ils sont et de qui étaient leurs ancêtres, savoir que ce sont là des valeurs importante de la connaissance et qu'ils ne sont pas des citoyens de seconde classe.

Quand vous parlez des enfants, est ce au sujet de l'enseignement primaire et intermédiaire. Comment travailler ces concepts? Au Brésil, il existe une loi qui oriente l'enseignement afro vers ce public .


Nous allons commencr par l'enseignement primaire avant d'arriver à l'université. Je suis également consultant dans 12 écoles aux États-Unis. Dans l'éducation primaire au Brésil, il serait très utile pour tous les élèves d'avoir une matière relative à certains fondamentaux africains du préscolaire au secondaire. On peut premièrement présenter aux enfants les héros nationaux et des événements significatifs de l'histoire afrobrésilienne, à travers les livres, les jeux, ce type de choses.  Au collège, il doit y avoir une introduction aux grandes civilisations africaines de l'Égypte, duu Ghana, du Mali et de l'empire Songhaï, une introduction au monde panafricain, aux africains de l'Uruguay, du Pérou, de l'Équateur, de la Colombie, de la Guyane, de la caraibe et du continent africain. Et à la fin de l'enseignement secondaire, il peut s'agir d'une introduction aux sujets plus sérieux impliquant le continent africain dans sa relation avec le reste du monde. C'est ce que nous proposons dans les écoles des États-Unis.

Pourriez-vous s'il vous plait dresser un panorama due COPENE 2012.


Cette réunion est unique dans l'ère contemporaine, il y a des gens venus de l'Uruguay, du Pérou, du Costa Rica, de la Jamaïque, d'Afrique, de la France, des États-Unis, de différents autres endroits ici réunis et cela fait avancer le Brésil, impulse une position de leadership qu'il devait déjà avoir obtenu depuis bien longtemps. Vous avez ici le double du nombre d'africains que nous avons aux États-Unis, vous devez assumer votre leadership. Si vous le faites, jamais vous ne quitterez votre position. Tel est votre destin dans le monde!

Traduit du Portugais par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com/
 
http://racabrasil.uol.com.br/cultura-gente/171/artigo271330-1.asp
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M
de découverte en découverte… en fouillant sur google et youtube, je n'ai pas trouvé de support en français à l'histoire de luis gama , par contre je partage avec vous chers lecteurs francophones de ce blog ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=dtQYPwgH_bs : voici l'histoire du fameux joao candido dont molefi asante fait allusion, sous titré en français<br /> <br /> longue vie à ce blog!
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M
de découverte en découverte… en fouillant sur google et youtube, je n'ai pas trouvé de support en français à l'histoire de luis gama , par contre je partage avec vous chers lecteurs francophones de ce blog ce lien : https://www.youtube.com/watch?v=dtQYPwgH_bs : voici l'histoire du fameux joao candido dont molefi asante fait allusion, sous titré en français<br /> <br /> longue vie à ce blog!
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