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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
14 décembre 2011

Les cicatrices de l'esclavage en Amérique Centrale

ScienceDaily 

 

afros

La diaspora des afrodescendants au Mexique et en Amérique Centrale prend de nombreuses formes, comme le reflètent les noms utilisés pour les désigner tels que  Noirs Coloniaux, Afro-Antillais, Garifuna.  Les statuts et les niveaux de reconnaissance sociale et d'intégration sont très divers et cela distingue les pays de cette région de ceux du reste du continent Latino-Américain. Des chercheurs de l'IRD et leurs partenaires (1) impliqués dans les programmes AFRODESC et EURESCL (2) étudient la construction historique de ces communautés, qui se sont développées de vagues successives de migrations et de leurs identités.

 Trois cents ans d'esclavage, du  16ème siècle au 19ème siècle, ont laissé leurs cicatrices. Après l'abolition, il y a eu l’exclusion, qui a amené les descendants d'esclaves à migrer vers les grands centres d'emploi autour de couronne des Caraïbes. Ils représentent désormais une seconde diaspora et font l’expérience de l'inégalité et de la stigmatisation persistantes. À la différence du Brésil et de la Colombie, symboles de multiculturalisme, la "question noire" au Mexique et en Amérique centrale n'a pas attiré un fort intérêt des politiciens et des chercheurs.

 

 Du 16ème siècle à la fin du 19ème siècle, les bateaux négriers ont sillonné l’océan Atlantique au service du commerce triangulaire entre l'Europe, l'Afrique et les Amériques. Ce commerce d'esclaves a déporté des millions d'Africains à travers l'Atlantique. L’abolition progressive de l'esclavage au cours du 19ème  siècle a émancipé des hommes et libéré les consciences. Cependant, 300 ans de traite négrière ont laissé des cicatrices encore visibles aujourd'hui. 

 

Ces événements traumatisants ont fortement façonné la construction historique et l'évolution contemporaine des sociétés dans lesquelles prévalent l'inégalité et l'exclusion, comme en Amérique Latine. Le statut social de l'Atlantique Noir, le terme utilisé pour cette diaspora des Afrodescendants est une question centrale dans le débat politique, dans un contexte de racisme et de discrimination persistants et de questions de métissage interracial, de multiculturalisme et d'identité. 

 Allant au-delà des sentiments de culpabilités des sociétés occidentales, les chercheurs de l'IRD et leurs partenaires (1) impliqués dans le AFRODESC et programmes EURESCL (2) étudient comment l'esclavage et son abolition ont marqué les nations présentes, la reconnaissance des communautés noires et les politiques mises en œuvre dans chaque pays.

 L’exemple déterminé par le Brésil et la Colombie

 Depuis les années 1980, deux pays ont attiré toute l'attention des chercheurs sur le multiculturalisme en Amérique Latine: le Brésil et la Colombie (3). Ces états sont comme des laboratoires du multiculturalisme, qui expérimentent des changements sociaux et politiques d'envergure au cours du 20ème siècle. Plus récemment, en s'inspirant de ces modèles, d'autres pays Latino-Américains comme l'Équateur, ont commencé à mettre en place des mesures pour une intégration plus poussée et l'accès aux ressources et aux services (comme la terre, l'éducation et les emplois). D'autres, comme la Bolivie, ont même introduit des changements encore plus radicaux.

 En Amérique centrale: une situation plus complexe

 Par contre, les situations dans l'isthme du Mexique et d'Amérique Centrale sont caractéristiquement différentes. Le débat a longtemps été dominé par les problématiques concernant les populations indiennes autochtones. Mais, même il y a quelques années les communautés d'afrodescendants n'avaient toujours pas de présence politique réelle. Par ailleurs, ces pays ne cadrent pas avec les schémas classiques de recherche et d'analyse des chercheurs -allant de la négation des Afrodescendants en passant par la négligence de  leur reconnaissance. Même liés par une histoire régionale commune, ils présentent une image hétérogène complexe découlant de fortes spécificités nationales.

 Une seconde diaspora

 Jusqu'à présent, cette grande diversité de situations et  l'immobilisme relatif des politiciens signifiaient que ce qu'on appelle la "question noire" n'avait pas stimulé un grand effort de la recherche internationale. L'équipe de recherche portent désormais toute son attention sur une   une communauté appelée la "seconde diaspora," qui n'est plus seulement liée à la traite négrière et à la colonisation, mais plus récente, et provenant d'une deuxième vague de migration économique.

 Après l'abolition, même si les descendants d'esclaves étaient désormais émancipés, le plus souvent ils n'avaient pas accès à la terre ou aux emplois. De la fin du 19ème siècle et jusqu'à la moitié du 20ème  siècle, ils allaient  migrer des îles (Jamaïque, Barbade, Cuba, Haïti, Martinique, Guadeloupe, etc.) mais aussi de la partie continentale (Belize, Honduras) de partout dans les Caraïbes pour travailler dans les plantations de bananes, pour la construction du canal de Panama, en foresterie ou dans la construction ferroviaire.

 Ces  secteurs d'emploi importants ont été fortement développés au Mexique et en Amérique centrale du fait de l'influence capitaliste des États-Unis dès la fin du 19ème siècle, qui ont peu à peu remplacé les puissances coloniales européennes. Plus récemment, cette diaspora est devenue davantage impliquée dans l'industrie touristique, comme force de travail mais aussi pour promouvoir la valeur d'une culture afro-caribéenne.

 Divers degrés de reconnaissance et de statut

 Les premiers à arriver, les descendants des esclaves ou les hommes noirs libres associés à la colonisation, appelés les Coloniales Negros, font désormais partie des sociétés locales, avec des identités et des niveaux d'intégration économiques différents dépendant de l'histoire nationale particulière.

  Cependant, pour les migrants économiques des alentours des 19ème -20ème  siècles, également connus sous le nom d'Afro-Antillais, des problèmes spécifiques de  citoyenneté se posent encore. Enfin, le Garifuna, une communauté transnationale (4) qui descend des populations indigènes et des communautés noires, représentent un cas particulier. Leur statut est ambigu, et ils se considèrent comme les seuls Noirs du continent américain à n'avoir jamais connu l'esclavage. En fait, ils sont une proportion des descendants des rescapés d'un  naufrage de navires négriers. Cette diaspora se rallie désormais autour d'une patrimonialisation de sa culture et DE son histoire.

 Les Noirs Coloniaux, les Afro Antillais, les Garifuna et d'autres communautés: les projets d'AFRODESC et d'EURESCL ont relevé ces multiples diasporas au Mexique et en Amérique centrale, nées des rivalités coloniales européennes et du capitalisme américain du 19ème siècle. Mais pour ces communautés, bien que l'esclavage est devenu une référence parmi d'autres, elle reste l'une des bases fondamentales d'identité et continue de leur nuire à travers le racisme et l'exclusion dont elles font l'expérience.

 Traduit de l'Anglais par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com/

 

(1) Ces études ont été menées par le Centre d'Études Mexicaines et Centraméricaines (CEMCA), l'Institut National d'Anthropologie et d'Histoire (INAH), le Centre de Recherche sur l'Amérique Latine et la Caraibe (CIALC) de l'Université Nationale Autonome de México (UNAM), le Centre de Recherches et d'Études Supérieures en anthropologie sociale (CIESAS) à Mexico, Université de Cartagena en Colombie, CNRS, Université de Nice, Université Paris Diderot et le Centre international de Recherche sur l'Esclavage (CIRESC).

 

(2) AFRODESC -- Afrodescendants et esclavages : domination, identification et héritages dans les Amériques (15ème-21ème siècles) et EURESCL -- 'Slave Trade, Slavery, Abolitions and their Legacies in European Histories and Identities'

 

(3) Voir les programmes 'Identités, migrations et urbanisation des populations afrocolombiennes' (Univalle-IRD, Colombia, 1997-2000), 'Identités et mobilités' (CIESAS-ICANH-IRD, 2002-2006) and 'Identités métisses, catégories métisses' (Universidad de Cartagena -- Observatorio del Caribe Colombiano -- IRD, 2004-2007)

 

(4) Aujourd'hui, les Garifuna vivent au Belize, au Honduras, au Guatemala, au Nicaragua et aux États-Unis.

 

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Commentaires
S
Tu essaies de convaincre un convaincu, mon cher Jocke. Mes articles l’attestent. Mais s’il est vrai que c’est « la domination politique et économique d’Etats plus puissants » qu’il faut combattre, ce combat ne sera pas parfait s’il exclu le racisme. Absolument ! Car il ne faut jamais oublier que cette domination politico-économique que tu rappelles s’est justifiée sur la base de l’infériorité des Noirs et autres « peuples sauvages ». En un mot, sur la base du racisme. C’est donc clair que l’on ne peut combattre la domination politico-économique en excluant le racisme blanc à l’égard des Noirs. <br /> <br /> Les Noirs ne souffrent d’aucune tare ! Mais me référant à l’histoire, je fais un constat : je ne relève nulle part une volonté unitaire contre l’adversité chez eux. Je n’attends que des preuves pour être convaincu que j’ai tort. C’est seulement à la fin de 201O et en 2011, que j’ai commencé à percevoir un certain changement. Ce qui veut dire qu’il ne faut pas désespérer. Par contre du côté des Européens, comme tu le dis si bien, il y a une différence entre un Espagnol, un anglais, un Français, un Allemand. Cependant, alors qu’ils étaient concurrents et pouvaient se battre jusqu’au triomphe du meilleur sinon du plus puissant, ils ont su se mettre d’accord pour se partager la Chine et l’Afrique. Plus d’une fois, les Européens ont su faire de l’unité une stratégie contre un adversaire commun alors qu’ils sont bien différents et se sont souvent combattus férocement en d’autres circonstances. Les deux grands conflits planétaires dont tu parles en sont les preuves. <br /> <br /> Ne soyons donc pas plus justes que la justice. Ce serait faire preuve de naïveté. Certes, depuis toujours, des hommes et des femmes de toutes les couleurs ont œuvré pour la fraternité humaine. Mais cela a toujours été fait contre la force de la volonté de dominer et de l’économie. <br /> <br /> La notion de race est certes arbitraire et forgée à la même époque que le racisme (19è siècle) ; j’en conviens. Mais ignorer que les combats d’aujourd’hui se font autour de cette idée, c’est ne pas savoir dans quelle direction diriger sa lutte. Une notion nous est imposée ; Il faut la saisir et en faire une réalité nouvelle comme nos aînés l’ont fait du mot « nègre ». Voilà donc un combat à mener.
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J
Il est simplement malsain et peu pertinent d'opposer les "Noirs" aux "Blancs". Ce faisant, nous restons prisonniers de catégories créées par les Occidentaux pour classer l'humanité en "races". Nous savons que ce classement hiérarchisé n'est qu'une fiction raciste et ne renvoie à rien sur le plan scientifique. <br /> <br /> N'est-il pas plus adapté de parler d'Européens ou d'Occidentaux (quand on englobe les USA), opposés aux peuples non occidentaux ?<br /> <br /> Je ne partage pas l'idée que des "Noirs" qui s'opposent souffriraient d'une tare. Précisément parce qu'ils sont des Hommes comme les autres, sans aucun chromosome en plus ou en moins, leurs sociétés sont traversées de conflits violents comme le reste de l'humanité.<br /> <br /> L'histoire de l'Occident n'est rien d'autre qu'une série d'affrontements sanglants. Soyons assurés que les "civilisés" ont de tout temps pratiqué la pire "sauvagerie" contre tous leurs congénères. <br /> <br /> Il n'y eut pas de trêve dans le contexte de l'expansion coloniale où les "grandes" nations ont continué à s'affronter pour savoir qui de l'Espagne, du Portugal, de l'Allemagne, de l'Angleterre ou de la France allait avoir la plus grande part d'Afrique ou des Caraïbes, d'Inde ou d'Orient. <br /> <br /> Enfin peut-on oublier que la "civilisation" occidentale a enfanté deux grands conflits planétaires bien loin de l'entente évoquée dans les commentaires précédents.<br /> <br /> Nous devrions donc nous battre pour faire triompher la justice et le droit, non pas comme "Noirs" contre des "Blancs" mais comme peuples (de toutes ethnies) subissant la domination politique et économique d'États plus puissants.
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S
Me volà rassuré, Guy ! Même s'il est vrai que l'on ne peut pas tout unifié parce que tous sont Noirs, ce que je e prilégie quand il y a un combat à mener, c'est l'unité ou l'union des différences. Si effectivement ils vont dans le même sens malgré leurs différences, alors oui, la victoire est possible. <br /> <br /> Joke, ce que je dis répond en même temps à ta belle réflexion. non ! il n'est pas bon de réduire tous les Noirs à une communauté unique. Les différences existent et sont bien réelles. Mais c'est vrai aussi que je raisonne toujours par rapport à une réalité dont les Européenns sont capables de réaliser en cas de nécessité : s'unir pour triompher de l'ennemi. Ils l'ont fait contre l'Afriqe et la Chine hier ; ils le font encore régulièrement contre l'Afriqe aujourd'hui. Il y a des moments où défendre sa spécificité est légitime et des moments où il faut savoir la mettre en veilleuse. C'est une leçon que nous avons beaucoup de mal à pratiquer. <br /> <br /> Mais c'est vrai que je connais très très mal les sociétés sud américaines pour avoir un jugement assez juste sur les formes de luttes que les Noirs préconisent pour leur reconnassance.
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G
Exact Joke, tu as tout compris. Et ce n'est pas négatif d'être différent. Les 'dominateurs'pour se convaincre de leur supériorité disons 'scientifique' enferment tous ceux de peaux foncés dans une cage en disant : les noirs sont comme ci, comme ça, et comme cela. Donc ils sont convaincus de tous maitriser leur identité en quelque sorte. Et nous faisons la même chose en adoptant des critères pour nous décrire qui ont été élaborés par d'autres. Bref, comme je l'ai dit plus haut la complexité/la diversité de l'humanité n'est pas un problème, c'est une richesse, sauf pour ceux qui ne considèrent en fait les autres comme des subordonnés si ce n'est pas des sous-hommes.
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J
Pour une compréhension fine des problèmes auxquels sont confrontées les diasporas africaines des Caraïbes et des Amériques issues du commerce triangulaire, il faut se défaire des pièges du langage racialisé et réducteur dans lequel nous enferment ceux qui nous dominent. <br /> <br /> Il faut donc refuser l'idée fausse que ne serions qu'une masse informe de "Noirs" que la couleur de peau rendraient identiques du continent africain à tous les recoins de la planète en passant pas les Caraïbes.<br /> <br /> Il y a des Africains, des Afro Américains, des Afro Caribéens...<br /> <br /> Pour faire une comparaison, personne ne trouve étrange qu'aux Etats-Unis on puisse distinguer une communauté d'Italiens ou de Français. Le fait qu'ils soient Blancs ne suffit pas à les réduire à la couleur de leur épiderme.<br /> <br /> Oui, définitivement, il faut apprendre à lire la complexité de notre humanité.
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