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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
1 août 2011

Le racisme sans racistes

 par Ana Maria Gonçalves

 racism

" Aujourd'hui, à l'exception des membres des organisations blanches suprématistes, rares sont les blancs aux États-Unis qui se proclament " racistes". La plupart des Blancs affirme qu’ils  "ne voient pas de couleur, ils ne voient que des personnes ", que même si le visage hideux du racisme reste présent parmi nous, il n'est plus un facteur central qui détermine les opportunités dans la vie des minorités et, enfin, que, comme le Dr Martin Luther King Jr, ils rêvent de vivre dans une société où les gens sont jugés par le caractère, et non par la couleur de leur peau. De manière plus incisive,  la plupart des Blancs insistent sur le fait que ce sont les minorités (particulièrement les Noirs) qui "jouent la carte du racisme" (le terme utilisé pour indiquer l’usage victimisant et mal intentionné de la différence raciale), parce qu’ils exigent le maintien de programmes inutiles et qui divisent, basés sur la race, comme les actions affirmatives, et parce qu’ils  pleurent toujours au  "racisme" quand ils sont critiqués par les Blancs. La plupart des Blancs pensent que si les Noirs et les autres minorités arrêtaient simplement de penser au passé, travaillaient dur et se plaignaient moins (notamment de discrimination raciale), les Américains de toutes les couleurs pourraient vivre en paix. "

Le texte ci-dessus est le premier paragraphe du livre Racism without racists, deEduardo Bonilla-Silva, sur ce qu’on appelle aux États-Unis le "color-blind racism"(racisme daltonien), ou simplement "color blindness" quelque chose comme le racisme qui ne tient pas compte de la couleur /race). Il ne s’agit là que d’une des nombreuses études publiées sur ce nouveau type de racisme (pour les  Américains) qui, selon Bonilla-Silva, est très semblable au racisme présent dans les pays de la Caraïbe et d’Amérique Latine, y compris au Brésil. Ce type de racisme permet de conserver les privilèges des Blancs, en douce, sans nommer ceux qu’il soumet ni ceux qui en bénéficient. Il a donné une couverture à l'ancien président Bush (fils), par exemple, qui en exprimant l'opinion de beaucoup d'Américains, disait: "Je soutiens catégoriquement toute sorte de diversité, y compris la diversité raciale dans l'enseignement supérieur" dans le même temps qu’il disait du programme d'action affirmative de l'Université du Michigan qu’il est un "échec", "anticonstitutionnel" et "discriminatoire" vis-à-vis des blancs.

L'Université du Michigan utilise un système de notation pour approuver ses candidats sur une échelle qui va jusqu'à 150 points. Si les étudiants réussissent le SAT (un test qui comprend en général les mathématiques, l'écriture et la lecture critique), il gagne 12 points, ou 20, s’il appartient à une minorité. En disant que ce système est injuste et anticonstitutionnel, Bush a oublié de mentionner le type d'action affirmative dont il a bénéficié, le  "legacy admittee." Grâce à ce système, présent dans les principales universités américaines, les enfants d'anciens étudiants, presque tous blancs et riches, bénéficient d’une préférence pour les admissions.

Cela a permis à Bush, un étudiant moyen C au lycée et ayant obtenu un SAT de 180 points sous la moyenne américaine, d’être admis à Yale, une des universités les plus recherchées et bien classée, suivant les traces de Bush père et de Bush grand-père. Ce système préférentiel a gagné en puissance après la Première Guerre mondiale, sous un régime de ségrégation raciale et alors que les États-Unis recevaient un flux important d'immigrants, et aujourd’hui encore, il garantit 10 à 30% des places aux enfants des anciens étudiants. Dans le livre The Shape of the river, les auteurs et anciens présidents de Harvard et Princeton admettent que les " legacy students (étudiants admis par héritage)" ont presque deux fois plus de chances d'être admis que des étudiants sans liens familiaux antérieurs avec les institutions. Et même si ce programme est du type de réserve de places, il a rarement été mentionné à côté des arguments comme " les étudiants noirs prennent les places d’étudiants plus qualifiés." Peut-être que le "color-blind racism" empêche beaucoup de personnes de voir la couleur des privilégiés, de même que celle des démunis, au final, "we are all Americans".

Le "color-blind racism" permet que  certains privilèges soient maintenus à une époque post Droits Civils, sans qu’ils soient vus comme tels, puisqu’on n’empêche personne d’entrer où il veut, de fréquenter les écoles pour lesquelles il se qualifie,  d’utiliser les toilettes publiques les plus convenables, d'épouser la personne de laquelle il tombe amoureux (bien que plus d'un tiers des Américains désapprouvent les mariages interraciaux, parce qu’ils sont inquiets du bien-être des enfants issus de ces unions), ou d'occuper n’importe quel siège vide dans les autobus, les trains et les métros. L'élection du premier président noir des États-Unis, comme l’ont affirmé de nombreux Américains, y compris des Noirs, était la preuve que le pays n'était plus raciste, que les Noirs n'auraient plus d'excuses pour expliquer les inégalités sociales, politiques, culturelles et économiques par rapport aux Blancs. C'était la preuve, célébraient de nombreuses mères noires, que le "rêve américain" était également disponible pour leurs enfants, qui seraient les seuls responsables de leur propre réussite ou de leur propre échec. Enfin, arrivait au pays, la démocratie raciale tant rêvée.

Dans son analyse de l'élection d'Obama, Bonilla-Silva affirme que son succès a été d'avoir "adopté une personnalité et une politique post-raciale. Il s'est distancié de la majorité des leaders des mouvements civils, de son propre pasteur, de son église et de n'importe qui  le faisait paraître " trop noir" et "trop politique".Ce qui a amené ses électeurs blancs à le voir comme "le premier dirigeant noir avec lequel ils se sentaient à l'aise au point de le soutenir, parce qu’il ne parle pas de racisme, parce qu'il leur rappelle, chaque fois qu'il le peut, qu’il est à moitié blanc, parce qu'il est dans les mots du sénateur Biden, (...), "le premier Afro-Américain influent qui est articulé, intelligent, vertueux et soigné." Parce que Obama parle d'unité nationale, et parce que lui, à la différence des leaders noirs haïs par les blancs, comme Jesse Jackson et Al Sharpton, ne les fait pas se sentir coupables de la situation des relations raciales dans le pays. "

Je trouve que cette dernière phrase particulièrement est intéressante, car elle renvoie à la signification du mythe de la démocratie raciale brésilienne selon l'élite qui tentait de sauver le Brésil de son destin de pays condamné par le métissage, de son racisme voilé (pas tant que cela à l'époque) et ségrégationniste. Ce qui me rappelle une interview de Gilberto Freyre à JB le 14/04/1979. Alors qu’on lui demandait qui arriverait en premier à la présidence de la République au Brésil, l'homme noir ou une femme, il répondit: "Le noir, je pense qu'il est plus susceptible d'atteindre cette culmination." J’aurais aimé qu’il ait vécu pour voir, et que tout le monde  sache que les Obama ont bénéficié de programmes d'action affirmative lorsqu’ils étaient à l'Université. Si Barack n'avait pas reçu ce coup de main, qui serait aujourd'hui la présidente des États-Unis?

 

Traduit du Portugais par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com 

 

http://mobilizacaobr.ning.com/profiles/blogs/racismo-sem-racistas-por-ana?xg_source=activity

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