LA HABANA , sep (IPS) -. Par Patricia Grogg

Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com

afrocubanaLes femmes cubaines doivent doubler leurs efforts pour obtenir des résultats professionnels similaires ou plus élevés que leurs collègues masculins, et lorsqu’elles sont afrodescendantes, tout est encore plus difficile, bien que la Constitution et les lois interdisent la discrimination fondée sur le sexe ou la couleur de la peau.

"Ma mère, une modeste travailleuse agricole nous a toujours dit à moi et à mes sœurs : Vous devez beaucoup étudier pour prouver que vous êtes aussi bonnes que les blanches et les blancs dans ce que nous faisons. C'est ce que je dis maintenant à ma fille", déclare à IPS Maritza Rodriguez, 51 ans, professeure d'histoire dans l'enseignement primaire et secondaire.


Elle affirme ne jamais s’être sentie diminuée du fait qu’elle est afrodescendante, même si lorsqu’elle entre dans un magasin et qu’elle commence à tourner pour voir les offres, les regards du personnel semblent souvent se fixer cloués sur elle. " Ils se méfient parce que je suis noire et vêtue modestement, ils ne s’imaginent pas que je travaille. C’est une façon de te discriminer", dit-elle.

Comme la majorité de la population cubaine, Rodriguez a fortement ressenti l'impact de la crise économique des années 90, après que Cuba ait perdu ses relations commerciales avec le bloc soviétique aujourd’hui disparu. Mais elle ne s’en plaint pas, sauf du manque d’opportunités de progrès professionnel.

"En 2005, j'ai fait un maîtrise, maintenant, je voudrais écrire un livre", affirme-t-elle. Mais son aspiration se heurte aux difficultés matérielles, comme son faible accès aux sources et de son champ de relations réduit. "Dans ce sens je me sens marginalisée en tant que femme et en tant que noire. À ce que je sache, la majorité des écrivaines cubaines sont blanches", dit-elle.

Cette nation Caribéenne de 11,2 millions d’habitants compte plus de 60% de sa population qui est noire ou Métisse, selon des études réalisées par Esteban Morales, universitaire et spécialiste des questions raciales.

Passé sous silence pendant de nombreuses années, la question de l'inégalité raciale a commencé à être débattue par les citoyens, suite à des appels lancés par  la Fraternité de la Négritude (Cofradía de la Negritud), un projet qui vise à sensibiliser sur le problème. Un de ses derniers forum-débat a justement été consacré à la double discrimination subie par la femme noire.

Par son initiative, la Confrérie vise également à corriger le manque d'information sur la thématique raciale, qui n’est pas toujours accompagnée d'une perspective de genre. C’est peut-être pour cette raison qu’une grande partie de l'auditoire a été surprise par une présentation de l’essayiste et critique Desiderio Navarro sur la femme afrodescendante dans la publicité.

À l’aide de matériel visuel, Navarro considère que la propagande touristique faite à partir de Cuba est raciste, lorsque sur des cartes postales et des affiches on montre des jeunes filles Noires et métisses à la plage, avec le moins de vêtements possible, toujours seules et disponibles, un mot clé dans ce message selon l'essayiste.

"La femme afrodescendante a profité des opportunités offertes par la révolution (1959), elle est présente dans le secteur de l'éducation, de la santé, des sciences, de la culture", cependant dans la publicité pour le tourisme son image est" vendue comme objet sexuel,  indique à IPS la critique d'art et narratrice cubaine Ines Maria Martiatu.

Mayra Espina, sociologue et essayiste du Centre de Recherches Psychologiques et Sociologiques déclare que diverses études conviennent sur le fait que la pauvreté et les inégalités sociales se sont accentuées après la crise des années 90, mais l'effet de cette situation n'a pas été la même pour toute la société.

Dans ce sens, l'universitaire signale que la population afrodescendante et métisse subit la pauvreté, les pires conditions de logement et des niveaux inférieurs de revenu dans une plus grande proportion que celle d’origine européenne. Cet écart social a également un impact particulier sur la femme et sur les territoires situés à l'Est de cette île des Caraïbes.

Certaines personnes présentes n'ont pas manqué de rappeler sur ce point que la population afrodescendante évolue toujours en désavantage et que les projets sociaux du processus révolutionnaire n’ont pas réussi à effacer, en plus d’un demi siècle, les différences d'origine: le blanc colonisateur et esclavagiste et le noir soumis à l’esclavage.

À ce sujet, Espina soutient que la politique sociale cubaine est universaliste et n'a jamais voulu se focaliser sur un groupe, en vertu de l’idée qu’en agissant ainsi, on court le risque de reproduire le stigmate et les inégalités.

"C’est tout le contraire qui s’est produit, car une politique trop égalitaire n’arrive pas à vaincre le poids des conditions de départ" en matière de discrimination, dit-elle.

Cette chercheuse est d’accord avec les universitaires et précisément Morales, auteur de plusieurs essais sur la question raciale, dans la nécessité des actions affirmatives qui prennent en compte les désavantages liées au sexe, à la couleur de la peau et aux zones territoriales, afin d’aborder le problème en partant de la particularité.

Pour Espina, il ya une "imbrication" sur le territoire des facteurs de genre et de classe sociale. "Par exemple, oui à l'éducation gratuite pour tous et toutes, mais la meilleure et avec davantage de financement dans les lieux où les conditions sont pires  et où la vulnérabilité est plus grande pour les populations", dit-elle.

Dans un de ses articles les plus récents, Morales estime que dans le cas de Cuba, une action affirmative de développement est appropriée, qui travaillerait pour l’élimination des désavantages dont souffrent les noirs, les métisses et d'autres secteurs moins favorisés de la population. (FIN/2010)