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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
28 mars 2010

Les afrodescendantes en Amérique Latine, ni victimes, ni perdantes


Par Patricia Grogg*

Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com/

LA HABANA, mar (IPS) - À 17 ans,  Meybelin Bernárdez sait très bien quel est son projet. "Lorsque je terminerai mes études, je rentrerai pour élever ma communauté", dit sans y penser à deux fois, cette jeune garífuna de la côte du Honduras qui étudie la médecine à Cuba.

Elle relève son menton et ajoute: "je veux être un exemple pour les autres qui arrivent. Les conditions dans lesquelles nous vivons sont très mauvaises, il a beaucoup à faire pour nos gens". Sa mère qui à un teint aussi foncé que le sien lui a appris que le plus important c'est de se préparer, d'étudier.

"Mais une femme pauvre et noire comme moi ne pouvait même pas rêver de devenir docteure sans cette bourse", affirme à IPS la jeune garífuna, un groupe ethnique qui est arrivé sur le continent au 17ème siècle en provenance du Nigéria et qui compte actuellement une population d'environ 600.000 personnes, disséminées en Amérique Centrale, dans les caraïbes, au Mexique et aux États-Unis.

Bernárdez résume ainsi une réalité qui touche la grande majorité des femmes et des petites filles afrodescendantes en Amérique Latine, victimes de la discrimination raciale.

Même si, de plus en plus parmi elles se montrent peu disposées à demeurer des victimes.


Pour, Rosmira Valencia, directrice du Réseau des Femmes du Choco (Red de Mujeres Chocoanas), en Colombie, il est clair que ce sont elles qui se préoccupent le plus de l’éduation des enfants, même au prix de nombreux sacrifies. "Actuellement, à l'université du Chocó, il y a une majorité de femmes qui étudient, qui se forment pour que les choses s'améliorent", dit-elle.

Ce département, dont la population est en très grande partie de race noire et qui est située au nord-est du pays sur la Côte du Pacifique, est l’une des plus importantes richesses naturelles du pays, mais la pauvreté y est également très présente.


"La force des femmes est grande, et nous sommes certaines d'atteindre notre grand objectif: avoir une incidence sur le développement de notre région, augmenter le sentiment d'appartenance et poursuivre la recherche de l'équité et du respect", indique-t-elle.

En 2001 s’est tenue la troisième Conférence Mondiale contre le Racisme, la Discrimination Raciale et la Xénophobie et les Formes Connexes d’Intolérance dans la ville de Durban, en Afrique du Sud au cours laquelle 170 États se sont engagés à défendre les femmes victimes de pratiques discriminatoires à cause de leur race ou de leur genre.

Lors de cette conférence, il a été constaté que le racisme et la discrimination raciale se manifestent de manière différenciée pour les femmes et les petites filles et peuvent être facteurs qui conduisent à la détérioration de leurs conditions de vie, à la pauvreté, à la violence, aux formes multiples de discrimination et à la limitation ou la dénégation de leurs droits humains, sociaux et économico-politiques.

Dans ce sens, il a été reconnu la nécessité d’intégrer une perspective de genre dans les politiques, les stratégies et programmes d’action pour faire face à ces pratiques, de même que la pertinence d’élaborer une approche plus cohérente et systématique visant à évaluer et de surveiller la discrimination raciale contre les femmes.

Neuf ans plus tard, peu de chose sinon rien n’a changé pour la population féminine afrodescendante de la région, selon les leaders consultées dans différents pays par IPS, dans le cadre de la Journée Internationale de l’Élimination de la Discrimination Raciale célébrée chaque 21 mars à l’initiative de l’Organisation des Nations Unies.


À cette date, en 1960, allait se produire le massacre de Sharpeville, en Afrique du Sud, lorsque la police ouvrit le feu lors d’une manifestation pacifique contre les normes de l’apartheid (ségrégation raciale). 69 noirs furent tués et 200 autres blessés, mais le massacre signifia le début de l’isolement international du régime ségrégationniste, jusqu’à son démantèlement 30 ans plus tard.

"La Constitution (colombienne) de

1991 a

permis que l'on commence à nous prendre en compte comme partir d'une société. Mais nous sommes toujours très invisibles, même après  Durban 2001", indique Valencia.

Les données apportées par la nicaraguayenne Dorotea Wilson, coordinatrice de l’ONG Réseau des Femmes Afrolatinoaméricaines, Afrocaribéemnnes et de la Diaspora ( Red de Mujeres Afrolatinoamericanas, Afrocaribeñas y de la Diáspora) indiquent que 80% des plus de 150 millions d’afrodescendants de la région continuent de vivre dans la pauvreté et sans opportunités de dépassement pour des raisons ethniques et raciales.

75 millions d’entre eux sont des femmes qui restent soumises aux déplacements forcés, à l’immigration illégale, à la criminalisation des jeunes et au génocide  voilé par des accusations de délinquance, détaille Wilson.

Le Réseau qu’elle coordonne couvre 24 pays de la région.

"La vie n'a pas changé pour les noirs en Amérique. Il n y a aucune politique publiques pour surmonter ce phénomène, l'exploitation humaine que nous subissons continue, les droits fonciers, aux crédits, à l'éducation spéciale, à la santé continuent de nous être niés. Finalement, peu de choses ont changé", insiste-t-elle.

Par exemple, la dirigeante cite le cas du Nicaragua, où selon les données officielles, le taux de mortalité maternelle le plus élevé concerne les deux régions caribéennes ayant une majorité de résidents des populations féminine indigène et afrodescendante, avec des taux allant jusqu’à 373 femmes décédées pour chaque 100.000 naissances vivantes.

Le Ministère de la Santé a établi en 2009 le taux moyen de mortalité maternelle au Nicaragua à 63 pour 100.000 naissances vivantes, mais les rapports des organisations non gouvernementales comme Human Rights Watch, l’élèvent jusqu’à 170 mères décédés pour 100.000 naissances réussies.

Wilson considère qu’il y a quelques progrès du point de vue de la visibilisation du mouvement des droits des afrodescendats et dans le fait de garder présente cette thématique dans l’agenda des États, mais ces avancées correspondent fondamentalement au travail des organisations de la société civile et en particulier du mouvement féministe et des défenseurs – activistes des droits humains.

Pour l’essayiste, critique d’art et conteuse cubaine Inés María Martiatu, le terrain gagné par les  femmes noires de la région en matière d’organisation est important, dans un contexte où elles concentrent leur lutte" sur l’insertion dans la société, et pour l’obtention de leur indépendance économique".

"La femme afrolatinoaméricaine s'est toujours rebellée contre l'esclavage, elle fut marronne et participa aux luttes d'indépendances, elle n'est pas restée dans le rôle de victime, mais ce qu'il y a c'est que l'histoire a été écrite par les autres, mais à présent on en sait de plus en plus ", indique l'intellectuelle afrocubaine.

Selon elle, à Cuba, la femme afrodescendante a profité des opportunités offertes par la Révolution, et sont présentes dans le secteur de l’éducation, la santé, les sciences, la culture, même si elle n’échappe pas à la discrimination à cause de la couleur de sa peau. Sauf que le phénomène se manifeste de manière "plus subtile " que dans d’autres pays.

"On a maintenu pendant de nombreuses années un discours officiel qui disait que ni le racisme, ni a discrimination raciale n'existaient. On admet désormais que les femmes noires ont perdu du temps ", pense l’intellectuelle cubaine.

"La réalité est que les préjugés, le racisme et la discrimination sont présents et elles sont des catégories de la science sociale. Elles se manifestent même au sein de la famille, qu'elle soit noire ou blanche", signale-t-elle.

La thématique raciale fait actuellement l'objet d'un débat dans la société de l'île caribéenne, mais  Martiatu et d’autres intellectuelles cubaines sont d’accord sur le fait que l’approche de genre fait défaut. "Il reste encore beaucoup de chemin à parcourir. Même si la solution se trouve dans l'éducation et dans un fort travail culturel, elle serait trouvée à très long terme", souligne-t-elle.

Martiatu manifeste sa confiance aux nouvelles générations. "Le socialisme et le capitalisme n'ont pas apporté des solutions contre le racisme, c'est un phénomène plus complexe et plus profond ", dit-elle.

"Certains spécialistes travaillent sur ces questions depuis un certain temps, ils ont réussi à les placer au centre du débat, à contre-courant des opinions partisanes consistant à reporter le débat et l’analyse", affirme-t-elle

*Contributions de Helda Martínez (Bogotá) et José Adán Silva (Managua) (FIN/2010)

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