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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
11 février 2010

"Ici l'accès est interdit aux noirs. On veut garder une atmosphère espagnole"


Les night-clubs de Torrejón, dont celle du maire adjoint et du conseiller à l'environnement interdisent l'entrée aux immigrants


NEGROS

J. ABDELRAHIM / S. GIMENO - Torrejón de Ardoz -

"Il y a des endroits où l'on trouve toujours une excuse pour les noirs", se lamente Andy. Ce Nigérian, résident de Torrejón de Ardoz depuis neuf ans, marié à une espagnole et père d'une enfant affirme que dans certains bars de la ville, l'entrée est systématiquement interdite aux immigrants. EL PAÍS a passé la semaine avec lui et d'autres étrangers pour  vérifier l’existence de cette interdiction à  Torrejón, où 26.000 des 116.000 habitants sont des étrangers, soit 22% de la population totale. La scène qui suit est une preuve du traitement qu'ils reçoivent.

Nous sommes le vendredi 29 janvier. Il est deux heures du matin. Nous nous trouvons devant l'entrée de la discothèque  Bianco. Andy qui est âgé de 34 ans s'approche des portiers de cet établissement situé dans un secteur rempli de commerces sur l'avenue de la  Constitution. Derrière lui, marche un jeune homme blanc, le journaliste.

-Bonsoir, -dit Andy en guise de salut aux portiers.

-Désolé, vous ne pouvez pas passer-lui réponds l'un d'eux.

-Pourquoi?

-Pour passer, il vous faut une invitation.

- Et où est-ce qu'on obtient cette invitation?

-Ce n'est plus possible d'en avoir une.

Le journaliste, qui est le suivant dans le rang demande également à entrer.

-Vous avez bien entendu qu'il faut une invitation spéciale -s'excusent les portiers. Andy est encore présent.

- Allez, laissez moi au moins, prévenir un de mes amis qui est à l'intérieur -répond le journaliste.

-Entrez.

Lorsque le rédacteur pénètre dans le local, d'autres clients lui confirment qu'ils sont entrés sans invitation. Un des portiers qui était à la porte touche son épaule.

-Mais, vous êtes  avec le gars noir à l’extérieur ou non?

-Non, pas du tout.

-Ok. Je ne savais pas si vous étiez ensemble. Bon, il n y  a pas d’invitation spéciale. C’est qu’il ne peut pas entrer parce qu’il est noir. Toi tu peux rester sans problème.

- Et lui non, parce qu’il est noir?

-Oui, tu sais bien. Ici on veut une atmosphère espagnole. On ne laisse pas entrer les noirs.

Andy savait déjà "par expérience" ce qui allait se passer. Il avait choisit cette discothèque lui même parmi les différentes dont il affirmait qu’on lui interdirait l’entrée. Les groupes d’immigrants, comme l’association dominicaine Juan Pablo Duarte ont dénoncé à plusieurs reprises les traitements différenciés que leur réserve l’Administration Locale et des entreprises privées du simple fait qu’ils sont étrangers.

Parmi les plaintes les plus importantes, le harcèlement qu'ils subissent sous formes d’amendes et de visites policières dans leurs commerces, l‘impossibilité d'ouvrir des établissements tels que des studios ou des  bazars à cause d’une ordonnance municipale que IU taxe de "xénophobe", ou la difficulté d'entrer dans des lieux déterminés à cause de la couleur de leur peau.

Dans ce dernier cas, cette interdiction particulière existe également dans des endroits avec lesquels les membres du Gouvernement local ont des liens, comme le maire adjoint de Torrejón, José Luis Navarro, et le conseiller en charge des routes, des ouvrages et de l'Environnement, Valeriano Díaz, tout deux membres du PP.

Selon le Registre des Sociétés, Navarro, qui est également conseiller à l'Urbanisme, figure comme ancien administrateur unique du local Remember sur la rue del Caucho de Torrejón. C'est son frère qui gère actuellement la société. La situation ressemble à celle de Díaz, même si dans ce cas, c'est son épouse qui administre la société. Son bar, le Nará, en pleine avenue de la Constitution, est l'un des business nocturne ayant le plus de rayonnement dans la ville.

Gilbert et Wilson sont deux habitants dominicains. Ce soir,  ils se sont bien sapés. Les deux hommes se présentent à la porte du  Nará pour faire la bringue.

Les portiers leur interdisent le passage. "Le Conseil municipal célèbre une fête privée, " indique un employé de la sécurité en barrant le passage avec sa main. Malgré leur insistance, les jeunes doivent s’en aller. À peine 10 minutes plus tard, deux Espagnols, sans invitation pour la supposée célébration du Conseil Municipal s’approchent de la porte. Il n y avait aucune fête, et il ne fallait pas non plus payer. Les deux mêmes portiers leurs ouvrirent la porte. À l’intérieur du local, il n y a aucun noir.

Dans une dernière tentative, un Espagnol accompagne Andy jusqu’au même bar, le Nará. L'objectif est de savoir si le fait d’y aller avec un blanc est un sauf conduit suffisant pour entrer. Au moins cette fois, c’est ce qui arrive. "Regarde. Je suis le seul noir dans la boite de nuit", dit-il avec sarcasme.

L’arrêt suivant se fait à la discothèque Remenber, un peu plus éloignée du centre urbain, propriété du frère de l'adjoint au maire. Andy essaye d’y accéder sans succès. La raison cette fois est le fait qu’il porte des chaussures de sport. "Mais le gars qui entre là porte également des souliers de sport!" proteste Andy en montrant un espagnol qui pénètre dans le local. "Ah, mais c'est que ... la casquette", répond l’autre portier.

Tous  les lieux de détente de ce type à  Torrejón n’interdisent pas l'accès aux immigrants, mais Andy affirme que la situation se répète souvent, et pas seulement dans ceux liés aux membres de la mairie. "Un jour, je suis allé dans un endroit avec mon épouse espagnole et un autre couple, les trois étaient blancs. Ils ont laissé passer tout le monde, sauf moi ".

Enfin, Andy tente sa chance dans une autre discothèque choisie au hasard, le Pícaro. "Vous verrez que ce sera pareil ", parie Andy.

-Bonsoir.

-Désolé. Cet endroit est réservé aux roumains. Même les espagnols ne peuvent y entrer.

-Réservé aux roumains? Mais je vois des espagnols qui en sortent.

-Ils sont accompagnés. Je t’assure qu’ici, je ne laisse passer personne qui n’est pas roumain ou accompagné d’un roumain.

Une demi-heure plus tard, un journaliste espagnol, sans accompagnateur roumain s’approche de l’entrée du  Pícaro.

-Bonsoir.

-Entrez.

Comme Andy, les dominicains Gilbert et Wilson sont plus qu’habitués à ce qu’on ne les laisse pas entrer à beaucoup d’endroits de Torrejón. Mais cela n’empêche pas qu’il se pose la question du pourquoi de ce refus. Cette nuit-là, ils se rendent tous les deux dans la ville voisine d’Alcala de Henares pour continuer la partie. "J'aurais aimé entrer dans le Nara; c’es certainement super à l’intérieur ", indique Gilbert avant de s’en aller.

Traduit de l’Espagnol par Guy Everard Mbarga http://guyzoducamer.afrikblog.com/

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