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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
20 juillet 2009

Les racines Africaines persistent chez les Afrodescendants des côtes mexicaines

Par Alexis Okeowo

Traduit de l’Anglais par Guy Everard Mbarga

Spécialement pour le The Washington Post

Juin 2009

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Il faut vraiment avoir envie d’aller à Chacahua. Cette île est nichée le long de la Costa Chica Mexicaine, une bande de terre de 200 miles de long, à cheval entre les états d'Oaxaca et de Guerrero sur l'Océan Pacifique. La plateforme de correspondances la plus proche se trouve à Puerto Escondido, une plage développée à Oaxaca.

La partie facile de votre voyage se termine après le vol de Mexico ou Cancun. De Puerto Escondido, vous devez atteindre El Zapotalito, une toute petite localité sur la côte. Le voyage sur la route peut se faire en taxi privé ou, pour les plus braves, en transport en commun.

D'El Zapotalito, vous pouvez prendre un bateau pour Chacahua. Par chance, je voulais vraiment y aller. J'étais non seulement à la recherche d’une plage idyllique pour m’évader, mais également d’une communauté cachée qui s’appellent eux-mêmes des Mexicanos negros (les Mexicains noirs).

La fin de l'esclavage après l'indépendance du Mexique vis-à-vis de l'Espagne explique la présence de Mexicains noirs sur l’ensemble du territoire mexicain, mais aujourd'hui les villes peuplées de noirs ne se trouvent que dans les régions lointaines. La partie africaine de l'histoire mexicaine a été négligée par la nouvelle administration mexicaine, ce qui a amené les descendants d'esclaves à se questionner sur leurs origines.

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Pourtant, avec l'augmentation de tourisme dans la Costa Chica au cours des dernières années, la modernité a lentement atteint les villages de pêche reposant sur une étendue voluptueuse et sensationnelle de la côte Pacifique.

À Chacahua, les plages vierges, les lagunes resplendissantes et des menus exclusifs de fruits de mer frais ont créé une destination attrayante qui reste peu connue – de même que ses habitants.

À Puerto Escondido, je me suis serrée dans un colectivo (une fourgonnette publique) en direction de Rio Grande, pas loin d'El Zapotalito. Au cours du voyage d’une heure, les plages bondées ont cédé la place à l'herbe luxuriante et vert-néon; le soleil a semblé devenir plus brillant et plus chaud, les eaux plus bleues, les gens plus bruns et aux cheveux davantage frisés.

À Rio de Grande, je me suis rendue à un stationnement  pour taxis pour m’entasser dans un autre véhicule en commun qui allait me conduire à l’embarcadère pour les bateaux. Alors que je marchais avec le chauffeur vers son taxi, il m'adressa un sourire. "Hermanas. Vous deux pourriez être des soeurs," disait-il, en pointant vers le stationnement des taxis. Une mexicaine noire qui travaillait dans le stand me regarda avec curiosité.

Chacahua est divisé en deux par une série de lagunes où abondent des oiseaux exotiques.

Les environs constituent un trajet splendide, que vous louiez un bateau privé ou que vous choisissiez de prendre un ferry public en direction de l’île. Le bateau peut vous emmener directement en ville ou vous pouvez débarquer, comme je l'ai fait la première fois, sur le bord de l'île.

J'ai par la suite sauté dans un pick-up avec d'autre Chacahuans, pour le trajet d'une demi-heure sur le sable rocheux, traversant des buissons désordonnés et les cactus dans le village. Après avoir manoeuvré autour des béliers et des vaches qui avaient décidé de se rassembler au milieu de la route, j'ai finalement atteint ma destination - trois heures exaltantes après avoir quitté Puerto Escondido.

Mon escapade avait commencé.

"Ils disent qu'un bateau rempli d'esclaves, à la peau sombre comme moi, a été expédié en Amérique du Sud," m'a raconté Omar Corcuera le lendemain au cours du déjeuner au Restaurant Punto de Quiebra.

Le jeune surfeur, avec la peau brune -foncée et ses surprenants cheveux naturellement marron-blonds racontaient l'histoire bizarre d'un navire détruit, dont les survivants ont peuplé la côte; et que j’allais entendre plus qu'une fois.

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Ce que les historiens savent c’est que les Mexicains noirs de la côte Pacifique descendent des esclaves africains qui ont été emmenés par les Espagnols pour travailler dans les fermes de bétail pendant les 16ème et 17ème siècles. (Sur la côte de Golfe, les esclaves furent surtout déployés dans les plantations de sucre.)

En tout, les espagnols ont emmené plus de 200 000 Africains au Mexique pour le travail d'esclave. Les résidents de Chacahua disent qu'ils n’en savent pas beaucoup de leur histoire et les différents récits se sont mélangés avec le temps.

La communauté de noirs, blancs et les Mexicains métis (ceux d'héritage à la fois espagnol et indigène) se trouvant sur cet île est d’environ 700 personnes, et elle y vit depuis environ deux siècles.

"J'estime que je suis Africain et mexicain," indique cependant Omar. Tout près, Paulina Marcial, en tirant sa fille aux cheveux frisés d'une partie de cartes impromptue, ajoute : "je ne me considère que comme mexicaine. Je ne connais personne nulle part ailleurs."

En tapotant son Afro, la petite cuisinière s’en va alors brusquement en nous faisant un signe de la main.

Sur la plage, on trouve au moins 10 restaurants sur le sable et sans porte, chacun avec des hamacs multicolores se balançant dans la brise.

Au Restaurant Punto de Quiebra, les repas de fruits de mer frais allaient de 5,50$ ou moins et les petits déjeuners coûtaient tous moins de 3$, notamment un plat d’énormes enchiladas avec du fromage râpé, des tomates vertes, du piment et du coriandre pour 2,30$.

Deux ou trois yards plus bas, on retrouve le Restaurant Siete Mares, où les bungalows constituent le must de la plage, avec des cabanes spacieuses et colorées. Au moins sept des restaurants ont des bungalows à louer.

Au cours de ma première nuit à Punto de Quiebra, la courageuse domestique, Modesta, m'a conduit dans ma chambre en me demandant d’où je venais, émerveillée par notre couleur de peau commune. Je lui ai répondu que mes parents venaient d'Afrique de l’Ouest, mais que je suis née et j’ai grandi aux États-Unis.

Chaque jour suivant, je lui faisais un geste de la main alors qu’elle était étendue dans un hamac en train de fumer une cigarette avec nonchalance. À Siete Mares, j’ai pris un grand verre de jus d’orange fraîchement pressé en compagnie du propriétaire, Luis Carlos Gutierrez et Rey Ramirez Gopar, le propriétaire de Cabanas Los Almendros, qui se trouve près des lagunes.

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Plusieurs personnes sont passées à notre table au cours de la journée, tout d’abord des touristes américains et européens et ensuite un enseignant mexicain noir loquace du nom d’Angel Saguilan, qui a offert de m'acheter une bière.

"On appelle cet endroit la Petite Afrique," lança Angel, en faisant un geste vers le sable clair, illuminé par un coucher de soleil rose. Des enfants, formant un arc-en-ciel de couleurs éblouissantes hurlaient en jouant au volley-ball non loin.

"J'e me sens plus africain américain que mexicain," a poursuivi Angel. Il expliqua que comme sa peau sombre tranche au Mexique, les autres Mexicains plaisantent souvent en lui disant qu’il vient vraiment du Brésil ou de Cuba. Angel me dit qu'il sait qu'il est différent des Mexicains non-noirs, mais il n’est simplement pas exactement certain de la manière.

J'ai par la suite descendu le sentier dans le village, en passant par Los Almendros de Rey Cabanas. D’habitude, on pouvait trouver Rey, à l’humour grossier,  en train de boire dans un bâtiment au toit de chaume, ou autrement sur la plage, mais cette fois, il était en compagnie de son épouse, Eva, avec laquelle il a onstruit Los Almendros par amour pour Chacahua. Et la dévotion se fait évidente dans ses bungalows au bois sombre massifs peints de bleu avec les fenêtres sans vitres faisant face aux lagunes. Un travail artistique paisible décore les murs des pièces. En continuant en ville, j'ai rencontré par hasard deux hommes s’appelant Juan.

"Prima!"  cria Juan Ortiz. J’étais en train de bavarder avec un autre Chacahuan appelé Juan, mais aussitôt qu'Ortiz m'a vu d’un chantier en construction, il a laissé tomber sa brouette, et a crié le mot espagnol signifiant " cousine" et s'est dépêché.

Avant que je ne puisse réagir, le robuste pêcheur à la peau marronne brunie avait enveloppé mon visage de ses mains, m'avait embrassé sur la joue et me menait à son bateau pour un trajet sur les lagunes. "Tout le monde fait partie de la famille à Chacahua," dit-il.

Le Parc national des Lagunes de Chacahua est l’un des joyaux cachés du Mexique. Les lagunes permettent non seulement de parcourir un trajet à couper le souffle, mais c’est aussi un lieu d’observation des oiseaux de premier choix. Les eaux calmes et apaisantes sont un contraste bienvenu aux vagues vives de la plage qui attirent des surfeurs du Mexique et de l'étranger.

À la barre de sa vedette, Ortiz s’est arrêté à un dock pour faire traverser une famille de l'autre côté des lagunes et m'a ensuite dit ce qu’il savait de l’identité de sa communauté.

"Nous sommes des Mexicains, mais des Mexicains noirs,"  a déclaré Ortiz.

"Nous avons toujours des traditions des Africains, dans les costumes, dans les danses." Il ajouta que les relations entre les Mexicains noirs et les Mexicains blancs et métisses sont agréables. Selon lui, les Mexicains Noirs, préconisent souvent l'intermariage dans l'espoir que leurs enfants s’intégreront mieux dans la société. Mais parlant des politiciens du Mexique, il affirme que "le gouvernement nous a oublié." Les communautés africaines - mexicaines sont parmi les plus pauvres et les plus rurales du pays.

Alors que nous nous arrimions et que la famille le payait, Juan donna une poignée de main chaleureuse au père. "Maintenant vous savez que mon nom est Juan Ortiz, pas seulement 'El Moreno' [l'Homme à la peau brune]," leur dit-il en riant.

Je décidais alors de retourner dans mon hamac préféré avec mon livre, en planifiant déjà quelle sorte d'empanadas j'allais commander chez la Morena vêtue de rose qui déambule sur la plage.

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Alexis Okeowo

Alexis Okeowo

Alexis Okeowo est une journaliste free-lance basée à Mexico City.

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