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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
11 avril 2007

Matilde Ribeiro : “Les noirs sont toujours les plus pauvres parmi les pauvres.”

La fonction de la ministre Matilde Ribeiro dans le gouvernement est de promouvoir l’égalité raciale entre les brésiliens. Mais elle a été accusée de prendre une autre direction, de stimuler le racisme en opposant les noirs aux blancs.

Il y a quelques jours lorsqu’elle avait affirmé qu’elle considérait “naturel” (elle a corrigé après par “explicable”) que les noirs n’aient pas la volonté  de vivre avec des blancs car ils avaient souffert dans le passé, elle avait provoqué une vague de réactions indignées. La politique du Secrétariat Spécial des Politiques de Promotion de l’Égalité Raciale (Seppir) a même été comparée à celle des nazis.


Dans l’entrevue qui suit, la ministre soutient que les noirs brésiliens ont été abandonné à leur sort après l’abolition de l’esclavage et n’ont jamais été inclus dans le nouvel ordre en tant que citoyens. L’État, selon Matilde doit mettre en place des politiques spéciales pour surmonter l’impasse qui persiste – et qui constitue le noyau de la question sociale. “Les noirs sont toujours les plus pauvres parmi les pauvres.”


Fille de parents agriculteurs et analphabètes de l’intérieur de São Paulo formée dans le Service Social par le PUC de São Paulo et étant l’auteure d’une thèse de doctorat qu’elle a arrêté à cause de son travail au ministère, elle affirme que personnellement, elle n’a aucun problème à vivre (coexister) avec les blancs: “La couleur de la peau et l’origine des personnes n’importe pas. Ce qui importe c’est qu’elles se respectent.

Dans une entrevue à Estado, l’historien Manolo Florentino a indiqué que la politique du Secrétariat est basée sur le concept racial. Il dit que si l’on change le mot ‘noir’ par ‘blanc’ dans les documents de l’organe, on aura l’impression de parcourir un document nazi. Qu’en dites vous ?


Au
Seppir nous ne parlons pas de racialisation, mais d’égalité. Ce qui est pris en référence pour l’action, c’est une analyse des conditions de la société brésilienne. Le programme du gouvernement présenté par le candidat Luiz Inácio Lula da Silva en 2002 et de manière plus emphatique, le programme de 2006 présentent les prémisses du développement économique avec la distribution de la rente, l’inclusion sociale et une éducation de qualité. Et c’est là qu’on entre en action avec des groupes qui ont toujours été en marge de la vie économique et politique, comme les noirs, les femmes, les indigènes, ceux qui n’ont jamais eu la visibilité dans la vie publique. Ce que nous sommes en train de faire répond aux revendications faites par le mouvement noir aux cours des trente dernières années.

Ce mouvement a t’il change? Toujours selon Florentino, au départ dans les années 30, le mouvement était fier du métissage au Brésil. On ne pariait pas sur pays divisé entre blancs et noirs.


Je comprends que le mouvement noir comme tout mouvement social se modernise, se modifie. Mais il existe des lignes communes dans leurs expressions et à des périodes  différentes de l’histoire.

Quelles seraient ces lignes ?
La première d’entre elles est l’affirmation du fait que, après l’abolition de l’esclavage en 1888, les noirs ne furent pas inclus dans le nouvel ordre en tant que citoyens. La deuxième est que cette population de citoyens libres réclame la citoyenneté  depuis cette époque, pour faire partie d’un pays qu’eux et leurs ancêtres ont aidé à construire. La troisième est la logique des politiques publiques, à la recherche d’une participation effective dans le travail, l’éducation, enfin, dans tous les secteurs. Ces trois aspects font partie de la construction de ces mouvements, même si la manière de s’exprimer et de s’organiser soit différente d’une époque à l’autre.

Où la secrétaire se situe-t-elle dans ces lignes?
Nous sommes en train de répondre à cette construction historique, en reconnaissant il revient au gouvernement, en tant que représentant de l’État, d’accueillir tous les citoyens qui composent le Nation – et la population noire, en additionnant les pardos et les pretos(métisses et les noirs), comme le fait l’ IBGE, cela fait presque 50% du total.

Êtes vous d’accord avec l’idée selon laquelle l’abolition fut l’un des moments pendant lequel l’État brésilien laisser passer l’occasion de promouvoir la déconcentration (de la propriété et de l’exploitation) des terres dans le Pays? Le pays se trouverait-il dans une meilleure situation si les esclaves libérés avaient obtenu un lot de terre?
Récemment, dans Sinhá Moça, une de ses telenovelas sur la période de l’esclavage, le cadre s’est avéré évident: Le moment de l’arrivée des travailleurs européens et asiatiques par la suite correspond au moment de l’avènement des noirs libérés. Le sociologue Florestan Fernandes a déjà affirmé que après l’esclavage, les noirs furent laissés à leur propre sort.

Est-ce ce cadre historique qui justifie l’existence d’une politique avec une attention spéciale portée aux noirs et aux métisses?
Effectivement. Ils doivent bénéficier d’une attention dirigée dont ils n’ont pas encore bénéficié. Je vais citer deux exemples. Le premier d’entre eux est celui des universités publiques brésiliennes. Elles n’ont pas encore rempli leur rôle historique, si l’on considère que le mot ‘public’ dans ce cas se traduit comme une institution qui doit s’occuper de tout le monde; ce sont des espaces élitistes, dans lesquels les pauvres n’entrent pas, les indigènes non plus. Les choses ne sont pas ainsi parce qu’ils sont moins intelligents, mais plutôt parce que durant toute leur vie, ils n’ont pas eu les opportunités d’étudier dans de bonnes écoles.

Quel serait le deuxième exemple?
Celui des  quilombos. Nous avons été éduqués pour croire que le seul quilombo existant au Brésil c’est celui de Palmares – comme référence historique. Cependant, nous avons 3000 quilombos identifies à ce jour par le gouvernement. Jusqu’à présent, ils n’avaient jamais reçu l’attention de l’État.

Il n y a pas que les métisses et les noirs qui n’entrent pas dans les universités publiques. Des personnes pauvres aux yeux bleus n’y sont pas non plus. Ne serait-il pas mieux pour le gouvernement d’investir plus dans le développement économique au lieu de mettre en place des politiques spéciales pour tel groupe ou tel autres ?
Tous les instituts d’enquête indiquent que parmi les pauvres, les noirs, les indigènes et les femmes sont toujours les plus pauvres. Il est possible de trouver dans n’importe quel endroit au Brésil un blanc aux yeux bleus et pauvre mais il est plus probable qu’on trouvera un noir ou un indigène dans cette situation. Je vais me référer ici aux sociologues Octavio Ianni et Florestan Fernandes, qui ont estimé que au Pays les inégalités raciales sont le centre de la question sociale.

Etes vous d’accord avec ce point de vue?
Oui. Les chiffres de l’ IBGE ou de n’importe quel quatre institut, lorsqu’ils analysent la pauvreté, montrent que il existe un noyau plus pauvre – et que ce noyau est noir. C’est la raison pour laquelle être pauvre et être noir se confondent.

Vous parlez tellement des mouvements qu’on a l’impression que ce sont eux qui dirigent le secrétariat.


Le gouvernement à une vie propre, tout comme chaque organe de sa structure
. Cependant, les secrétariats spéciaux du gouvernement, parmi eux celui des droits humains, celui de la politique pour les femmes et le Seppir sont liés dès leur origine à l’établissement d’un dialogue continuel entre le gouvernement et le secteur de la société avec lequel le secrétariat est le plus directement lié. Le gouvernement est intéressé par une relation, un dialogue continu avec les mouvements sociaux.

Au Seppir cette relation semble plus forte.
La différence réside dans le fait que ce fut le seul secrétariat qui fut créé dans ce gouvernement peu après l’accession au pouvoir du président Lula. Les autres existaient déjà dans les gouvernements précédents.

Aux Etats-Unis, ou jusqu’à présent persiste une séparation culturelle nette entre les blancs et les noirs des politiques spéciales furent nécessaires, comme les quotas universitaires. Mais au Brésil, il n y a jamais eu une distinction aussi nette. Ne serions nous pas en train d’importer mécaniquement des solutions américaines?
Dans n’importe quel des espaces de la vie politique brésilienne, on a des références et contre références provenant de l’extérieur. Le mouvement pour les droits civiques aux Etats-Unis qui a connu son apogée dans les années 60 est une référence pour le mouvement noir brésilien. Mais seulement une référence, car la structure politique du Brésil n’est pas semblable à cette des Etats-Unis et il ne s’agit pas de prendre le modèle de là-bas pour l’appliquer ici. C’est la même chose en ce qui concerne la lutte contre l’apartheid en Afrique du Sud. Des expériences importantes dans la construction de l’inclusion des noirs existent, mais nous ne sommes pas en train de copier des modèles.

On vous accuse d’être raciste, entre autre raison pour avoir utiliser des expressions telles que ‘question raciale’ alors qu’on sait qu’il n’existe qu’une seule race, la race humaine.
Au Brésil, on conventionne certains mots. Le mot ‘noir’ est politique. Le mot ‘race’ est également une construction politique. Tout le monde l’utilise, dès l’université. Aux États-Unis, cependant, le mot‘noir’ est politiquement incorrect. Si on fait appel à des arguments scientifiques, on aboutira à la conclusion que l’espèce est humaine; et que dans une espèce on trouve des groupements distincts, dépendamment des territoires, des cultures, des mœurs , des développements locaux, qui sont appelés groupes raciaux. Les mots sont dynamiques et répondent à des constructions collectives.

Vous êtes également accusée d’opposer les noirs aux blancs.
La meilleure façon de répondre est de dire qui je suis. Je suis insérée politiquement dans le mouvement noir, dans le mouvement des femmes et mon grand apprentissage dans la vie fut sur l’importance des pouvoirs publics et de la société en tant qu’acteurs de l’inclusion de ceux qui ont toujours été exclus. J’ai appris que toute forme de discrimination doit être contestée, que toute violation de droits est un manque de respect. Ce dont il est question ce n’est pas l’exclusion de qui que ce soit mais plutôt l’inclusion du noir, de l’indigène, du gitan.

Ne vous considérez vous pas comme faisant partie de l’élite ? Vous avez tout même étudié au PUC, une université coûteuse et réputée.


Je ne me considère comme faisant partie de l’élite. Je ne suis pas né avec une cuillère en argent dans la bouche. Je suis la fille de parents analphabètes et j’ai payé cher pour étudier. J’ai travaillé dès l’âge de 14 ans pour payer les études. Je n’ai jamais été en Europe avant d’être ministre.

Dans l’entrevue accordée au site BBC Brasil à l’origine des polémiques, vous dites que vous pensez qu’il est le fait que les noirs n’aiment pas vivre aux côtés des blancs est explicable. Avez-vous personnellement des problèmes à vivre avec les blancs?
Mes parents étaient des travailleurs agricoles en Flórida Paulista, presqu’à la frontière entre le Mato Grosso et São Paulo, et dans mon enfance, j’ai vécu avec des   italiens, des polonais, des asiatiques. Ma sœur a épousé un descendant de portugais, qui avait déjà été marié à une nissei*.
J'ai un oncle italien et un neveu japonais. Durant toute ma vie, j’ai vécu dans la diversité. Peut être est-ce cela qui m’a encouragé à lutter pour l’égalité. La couleur de la peau ou l’origine des gens n’est pas importante, ce qui l’est c’est qu’ils se respectent. Voilà pour quoi je me suis battu.

*nissei : japonais né au Brésil

Qui est elle ?
Matilde Ribeiro

Née en Flórida Paulista (SP), le 29 juillet 1960
Formation en Service Social au PUC de São Paulo
Dans la capitale pauliste, elle a participé à la fondation de la Soweto Organização Negra et est entrée dans le Movimento Nacional de Mulheres Negras (Mouvement National des Femmes Noires).

En tant que Assistante sociale, elle a travaillé pour des ONGs et pour le service public.

Traduit du Portugais par Guy Everard Mbarga

Source: O Estado de S.Paulo

http://afrobras.org.br/index.php?option=com_content&task=view&id=1509&Itemid=1

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