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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
18 février 2007

Littérature et tradition orale afrocolombienne

La diaspora africaine a été l'un des acteurs de la construction du patrimoine littéraire colombien. Dès l'arrivée des africains à Carthagène des Indes, la voix sacrée et profane des esclavisés a dialogué avec les langues indigènes et européennes.

Ce destin de rencontres a moulé des univers de création dans lesquels resplendit le déploiement poétique et narratif de la parole écrite, parlée, chantée ou récitée.

Les mémoires de l'Afrique recréées sur le sol américain scintillent dans la littérature et la tradition orale afrocolombiennes.

Selon Nina S. de Friedemann, les littératures afrocolombienes conservent l'héritage ancestral des valeurs faisant référence à l'individu (être individuel) et à l'être collectif.

Parmi elles se distingue l'amour profond pour la parole. Selon la même auteure, le baratineur et le ménestrel, les prieurs et les cantatrices rappellent le griot africain, narrateur des modes d'interprétations du monde, de l'histoire et des généalogies, de savoirs sacrés et profanes. Dans de nombreux milieux de Colombie, particulièrement ruraux, ces personnages entretiennent des halos similaires à ceux d'autres cultures afro-américaines dans lesquelles la parole est de plus séquentielle pour accéder au monde des divinités, comme le font les macumberos du Brésil et les santeros ( dévots) de Cuba.

Dans les cultures afrocolombiennes, les veillées funèbres des saints, les neuvaines pour les morts, les luminaires et de nombreuses autres célébrations sacrées et profanes sont les espaces culturels de l'évocation des mémoires ancestrales par le biais de la mise en scène de la parole.

En 1948, Rogerio Velásquez, anthropologue et écrivain de la région du Choco, a initié la recherche de l'expression traditionnelle des populations de sa région. Ses écrits permettent de percevoir la complexité de la narration et de la poétique, des symboles et significations, des personnages et situations qui expriment une forte influence africaine, totalement encadrée par le rythme du parler et par la théâtralité de l'expression.

Malgré les horreurs de la traite et de la traversée transatlantique, les images des divinités, les souvenirs des contes des aïeuls et les rythmes des chansons et des poésies ont traversé l'océan, ancrés dans l'âme des captifs.

Ce savoir social et culturel  a de nouveau fleuri de l'autre côté de la rive de cette mer qui les a vu pleurer leurs malheurs. Cette présence de l'Afrique en Colombie est perçue en Colombie de façon exceptionnelle dans la littérature et dans la tradition orale des peuples descendants des premiers africains arrivés sur ce territoire.

De Friedemann rapporte que même dans les blagues et devinettes, comme dans les scènes de parodie ou dans des contes de bonimenteurs, d'esbroufeurs, de fabulateurs, d'enjôleurs…, des personnages d'origine africaine évidente apparaissent. C'est le cas de Anansi, Anansito ou Miss Nansi, un personnage de la tradition akán, qui survit dans le récit oral des habitants de San Andrés et Providencia et dans les forêts du Pacifique.

Il s'agit d'une célèbre araignée qui adopte des formes et des comportements humains. Ces transformations s'opèrent également avec d'autres animaux qui peuplent les légendes des peuples afrocolombiens.

Parmi les plus remarquables, on trouve les tigres,  des lapins, les tortues et les couleuvres. Anansi est connue comme une héroïne culturelle de l'ancienne Côte d'Or ; de la Tortuga (La tortue) on sait qu'elle était très connue dans l'ancienne Côte des Esclaves ; On identifie Conejo le lapin comme étant originaire du Congo et de l'Angola.

Autrement dit, toutes des régions d'ou provenaient de nombreuses personnes qui arrivèrent au port Carthagène des Indes, des cultures yoruba du Nigeria, akán du Ghana et songo de l'Afrique Centrale.

Selon De Friedemann, anthropologue colombienne qui a dédié sa vie à l'étude de ces cultures, il existe des témoignages faisant allusion à la manière dont la faune africaine a peuplé les forêts et les côtes colombiennes. Elle rapporte que dans le village de Beté, sur le fleuve Atrato, à l'occasion d'une veillée funèbre, l'un des parents du défunt a raconté comment, très près du lieu de la veillée, les tigres avaient affronté les lions car Conejo le Lapin avait excité le chef des Tigres en lui racontant que dans cette forêt, il y avait des mâles plus virils que lui, car ils tuaient leurs proies en les affrontant de face et mangeaient leur chair encore vive sur place; ils ne l'attrapaient pas par surprise, ce n'étaient pas des lâches; c'étaient des lions au pelage et à la taille fins.

Il est nécessaire de préciser que ces profonds et anciens legs d'Afrique en Colombie peuvent seulement être compris si l'on prend en compte les processus d'adaptation et de transformation qui se sont développés dans le cadre de la résistance à l'esclavage en Amérique. La créativité et la capacité d'innovation font de ces récits des témoignages directs de phases complexes de création et de récréation culturelle des descendants des africains dans notre pays. Il est indéniable que les contextes et les écosystèmes dans lesquels les conteurs oraux et les écrivains afrocolombiens d'aujourd'hui évoluent ne sont pas les mêmes que vécurent leurs ancêtres en Afrique.

Cependant, au delà des contenus idéologiques et des environnements survit la force de la parole qui la transforme en un véhicule de communication sacrée, toujours liée aux mémoires ancestrales. D'autre part, la théâtralisation particulière de sa mise en scène reste présente. L'expression corporelle qui accompagne toujours l'énonciation du récit, des contes, des mythes ou des poèmes est un autre des legs, cinétiques dans ce cas, de l'Afrique à la culture afrocolombienne et colombienne en général.

Au cours du 19ième  siècle émergèrent en Colombie de nombreuses œuvres dont les descendants des africains en furent les acteurs ou les auteurs. Eustaquio Palacios, Tomás Carrasquilla et Jorge Isaacs trouvèrent une source d'inspiration dans des individus d'origine afrocolombienne et les ont transformé en personnages de leurs écrits. En 1877 un natif de Mompox, Candelario Obeso, est devenu le premier poète afrocolombien à publier un livre : Cantos populares de mi tierra (Chants populaires de ma terre). Tout au long du 20ième siècle, de nombreux autres allaient prendre la plume pour raconter leurs expériences, leurs rêves et la condition sociale de leur peuple.

Traduit de l'Espagnol par Guy Everard Mbarga

http://www.colombiaaprende.edu.co/html/etnias/1604/propertyvalue-30513.html

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