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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
10 février 2007

Cimetière d'esclaves afrobrésiliens découvert à Rio

Publié le 28/12/2005

Ana de la Merced Guimaraes rénovait sa maison du 19ième siècle dans le quartier carioca de Gamboa, lorsque le travail fut brusquement interrompu. En excavant le jardin pour vérifier l’état des fondations, les ouvriers se trouvèrent nez à nez avec des ossements humains.

Miles de huesos.

Guimaraes découvrit que le terrain de sa maison correspondait au Cimetière dos Pretos Novos _Cimetière des Nouveaux Nègres_, un cimetière grossier pour les esclaves africains que les historiens croyaient perdu.

Dix années plus tard, la ville souhaite conserver la découverte, une des rares fenêtres sur le passé colonial du Brésil et une des pages les plus sombres de son histoire.

"Sans doute, il s’agit de l’une des découvertes les plus importantes de la ville", indiquait Andre Zambelli, directeur du Département du Patrimoine Culturel de la ville. "Cela prouve qu’un commerce des esclaves a existé, ça confirme ce que disent les livres, et met l’histoire entre nos mains".

5.563 fragments d’os et de dents ont été recueillis, certains taillés dans les styles propres des peuples qui habitaient les environs du fleuve Congo dans le Mozambique et l’Afrique du Sud d’aujourd’hui. Ont également été trouvés des pièces de porcelaine fine anglaise, des ustensiles de pierre et des pipes africaines en  argile, des assiettes et des décorations métalliques, tous jetés comme des ordures dans les tombes.

Rio a consulté des spécialistes  de New-York - ou un cimetière africain est apparu en plein centre de Manhattan au cours de la construction de grattes ciels en 1991 - avec les restes d’au moins 419 noirs esclaves ou libres enterrés en cet endroit durant l’époque coloniale. Le gouvernement étatsunien désigna l’endroit un Site Historique National en 1993.

"Il s’agit du même type de relation, des retrouvailles avec l’histoire, le travail et les cultures africaines", indique Zambelli.

Rio pense que son cimetière est plus grand que celui de Manhattan. Plus de 20.000 corps y furent enterrés entre 1769 et 1830, raconte Zambelli, mais on ne sait pas avec exactitude, car il n y avait pas de registres : c’étaient des corps d’esclaves qui sont morts avant d’être vendus.

Le Brésil fut le plus grand marché des esclaves africains dans le Nouveau Monde. Des près de 10 millions d’africains apportés dans les Amériques, presque la moitié est arrivé au Brésil pour travailler dans les mines d’or et de diamants ou dans les plantations de café de cane à sucre.

En 1763, quand Rio est devenu la capitale du Brésil, les voisins se plaignaient du sordide marché des esclaves dans les rues du centre, près du palais de la famille royale portugaise.

Pour cette raison, le marché allait être construit dans le quartier cenagoso de Gamboa, qui allait devenir le cimetière non officiel des esclaves quand il n y avait plus de place dans un cimetière franciscain. Les corps étaient empilés dans la rue, puis brûlés avant d’être enterrés sous une poignée de terre.

Cela révolte encore les activistes pour les droits humains.

"Ce fut l’holocauste de  Rio", indique Marcelo Monteiro, du Conseil Municipal de la Défense des Droits des Noirs. "Peu de gens savent ce qui s’est passé. Nous sommes en train de redécouvrir un événement  qui fut effacé de l’histoire".

Haidar Abu Talib, de la Société Caritative Musulmane signale que beaucoup des esclaves enterrés dans le cimetière étaient musulmans. Il affirme que les anciens esclaves restèrent "invisibles" après l’abolition de l’esclavage en 1888, et que certains brésiliens préfèrent que les choses restent de même.

"Lorsque l’esclavage a pris fin, le gouvernement _aux mains des élites qui s’étaient enrichies sur le dos de la main d’œuvre esclave_ n’était pas intéressé à convertir les anciens esclaves en citoyens à part entière", raconte Talib au cours d’une cérémonie le 20 novembre, Jour de la Conscience Nègre. "Leurs descendants sont encore victimes de l’injustice sociale".

Malgré le fait que presque la moitié des 183 millions de brésiliens sont noirs et métisses, l’image de "démocratie raciale" que le pays se complait à présenter est un mythe. La majeure partie des brésiliens les plus pauvres est noire.

Le nombre de brésiliens qui gagnent jusqu’à 75,50 réals (34,47 dollars) par mois a diminué de 5 millions entre 1992 et 2001, mais le nombre de noirs dans cette tranche a augmenté d’un demi million, selon un rapport récent du PNUD.

Les noirs représentent 70% du dixième des plus pauvres de la population et à peine 16% du dixième des plus riches , selon le rapport. Les afrobrésiliens gagnaient en moyenne 74 dollars mensuels en 2000, moins de la moitié du salaire des blancs en 1980.

"Les coordonnés confirment simplement ce qui est visible pour n’importe quel observateur : plus tu montes dans la hiérarchie du pouvoir, plus la société brésilienne est blanche", indique le rapport.

Face à cette injustice, Rio souhaite créer une promenade et inclure le cimetière dans le circuit touristique.

"Nous voulons construire un musée à ciel ouvert, avec une promenade partant des quais jusqu’au cimetière, avec des brochures bilingues et une carte indiquant les lieux de vente des esclaves", explique Zambelli. "L’Afrique a contribué à la fondation de la ville".

Mais Guimaraes doute que la ville investisse dans le cimetière. Les autorités n’ont pas essayé de conserver les ossements, et les pluies ont emporté certains d'eux. Ses propres voisins lui gardent rancune car elle a dénoncé l’existence de l’ancien cimetière.

"Personne ne me soutient", indique t’elle. "Les gens me demandent pourquoi je le fais. Plus j’en apprends sur les abus subis par les africains et je vois comment cela est passé à l’oubli,  plus je m’engage à ne pas permettre que l’on l’oublie, tant que j’ai des forces".

Traduit de l'Espagnol par Guy Everard Mbarga

http://www.terra.com/noticias/articulo/html/act305399.htm

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