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Afrodescendants d'Amérique Latine et des Caraibes
5 janvier 2013

Résistances des Afro argentins : Interview de Miriam Gomes

Miriam Victoria Gomes estProfesseure de Littérature Latino-Américaine, spécialisée dans la Littérature des pays africains de Langue portugaise, et est membre de la Chaire Ouverte des Études Américanistes de l’UBA, section des études africanistes. Elle a participé à la création et au développement d’organisations noires dans le pays et collabore avec des institutions de lutte contre la discrimination et le racisme.

 

Par Ana Maria Ordóñez 

 

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«L’intégration des afrodescendants, se mesure très souvent  à travers leur identification aux intérêts et expressions de classe dominante. Mais elle doit également se mesurer en terme de résistance, de capacité à conserver l’identité, de sa ténacité à survivre et se construire dans un autre contexte, d’un héritage hétérogène.» 

La population argentine a-t-elle des racines africaines ? 

Il n y a aucun doute à ce propos, mais notre société en général affirme ou croit qu’il n y a pas de population d’origine africaine, et que nous sommes un pays dont la population possède un ensemble de racines nettement européennes. Aucune référence n’est faite aux composantes d’origine africaine, même pas en mémoire de la traite active des esclaves dans le passé.

Combien d’africains sont arrivés en Amérique?

 

Selon le professeur nigérian Joseph Inikori, autour de 12.000.000 (d’africains) ont débarqués en Amérique Latine et si nous faisons le calcul qui veut que pour chaque africain qui arrivait vivant, cinq mouraient d’inanition, de diarrhées, de déshydratation, de suicides ou de châtiments divers, le trafic des esclaves a provoqué une saignée de plus de 60.000.000 de personnes à l’Afrique, alors qu’elle a engendré l’extraordinaire expansion industrielle et économique de l’Europe.

 

«L’Argentinité» s’est-elle construite en occultant les africains ?

 

Oui, au cours des deux derniers siècles, le système politique au pouvoir s’est chargé de diffuser  des modèles culturels avec pour objectif de consolider l’identité argentine. Les concepteurs de la nationalité furent Bartolomé Mitre, Juan Bautista Alberdi, José Esteban Echeverría, Domingo Faustino Sarmiento et d’autres qui faisaient la promotion de l’immigration européenne pour forger  des citoyens “blanchis” pour ce qui est de la couleur et  “européisés” en ce qui concerne la mentalité et les coutumes.

 

Les africains ont-ils participés aux mêmes actions que le reste de la société?

Ils ont participé à toutes les actions belliqueuses de l’Argentine: ils y sont arrivés de manière obligatoire par la “Loi du rachat” (Ley del rescate) ou parce qu’on leur promettait la liberté. En 1801 dans les Compagnies de Granaderos de Pardos et Morenos (Grenadiers bruns et noirs). Lorsque la première Invasion Anglaise se produit en 1806 à Buenos Aires, ils participent de façon active pour la défense de la ville. Quand San Martín crée le Régiment  de Granaderos a Caballo (Les Grenadiers à Cheval) et lorsqu’il prend en charge L’Armée du Nord, ses troupes sont composées de noirs libres, c’est- à -dire d’esclaves rachetés par l’État pour servir dans l’armée. Ils ont participé à la guerre contre le Brésil (1825 à 1828), aux guerres civiles opposants les partisans de l'unité aux fédéralistes, et comme corollaire, à la Guerre de la Triple Alliance entre 1865-1870.

 

Comment les afrodescendants se sont-ils intégrés à la société?

De plusieurs manières. L’une d’elles s’est faite par le biais de la résistance socio - culturelle. Les afroargentins qui se distinguaient dans les Lettres, mettaient à profit leurs talents littéraires pour dénoncer la situation sociale à travers le journalisme et la poésie. L’œuvre journalistique fut très abondante en 1800, mais peu connue. El Proletario, créé et dirigé par  Lucas Fernández, fondateur du Mouvement Démocratie Noire, faisait clairement référence à la situation raciale de la collectivité noire et mettait en évidence le fait que les africains se reconnaissaient comme une communauté. De plus, cela permettait de se rendre compte de la richesse de la vie sociale qu’ils menaient.

 

Y a-t-il eu des associations ou des publications durant le XXIème siècle?

 

Dès les débuts de l’année 1900, des journaux affirmant déjà la présence des afro argentins étaient édités. La Verdad, édité par  Benedicto Ferreira. La Protectora publié par une mutuelle du même nom qui a existé jusque dans les années  50. Des associations comme La Agrupación Patriótica 25 de Mayo (Le Groupement Patriotique  25 Mai), le Cercle Social Juvencia et l’Association de Promotion General San Martín. Au début de l’année 1920 est apparue une discothèque presque exclusivement fréquentée par des noirs au Théâtre Marconi , le légendaire “Shimmy Club”, où ils diffusaient leur musique. Les organisations afro argentines sont bien connues et étudiées, par exemple par l’historien ivoirien Jean Arsene Yao.

 

Continuent-ils de réaffirmer leur identité ? 

 

Oui, à travers leurs propres organisations. Une des empreintes africaine reflétée par les historiens est la musique et la manière de la danser: le candombe. Ça a toujours été un élément identificateur de la communauté noire argentine. Danse populaire par excellence, qui contient en elle presque toute l’histoire de la race (noire) sur le Río de la Plata. D’autre part, l’existence de petits groupes religieux a créé un certain syncrétisme que l’on peut voir à travers la vénération interdite de certains saints chrétiens. Aujourd’hui, il existe des quartiers entiers qui conservent leurs coutumes et leur langue. 

Dans l’actualité, que font les afro descendants ?

 

Les afroargentins ont déjà retrouvé les bases constructrices de l’esprit collectif. Ils ont unis leurs forces, en renforçant leur identité ethnique et leur participation à la société à travers l’affirmation de la négritude. Les associations existantes révèlent la société africaine et défendent leurs racines, au delà des individus qui les composent.   África Vive, dont le siège est a Buenos Aires lutte contre les  ressources rares dont dispose les membres de sa communauté , autant en Argentine qu’à l’extérieur. El Casa de la Cultura Indo-Afro-Americana (La Maison de la Culture- Indo Afro-Américaine) dont le siège se trouve à Santa Fe, organise et participe à des congrès et rencontres internationales, et possède des publications à travers lesquelles elle divulgue le thème de la négritude en Argentine. La Sociedad de Socorros Mutuos Unión Caboverdeana dont le siège se trouve à  Dock Sur, et qui  existe depuis plus de 70 ans, el Circulo de Descendientes Caboverdeanos Cercle des Descendants Cap verdiens ) à Mar del Plata, pour n’en citer que quelques-uns. 

 

Une réparation historique est-elle due aux africains et à leur descendants qui vivent au pays (En Argentine)?

 

La Nation Argentine se doit à elle-même une révision profonde et honnête de son histoire et une analyse rigoureusement critique, des fondements idéologiques qui ont mis sur pied son désir (d’être) un pays blanc et européen.

 

Traduit de l'espagnol par Guy Everard Mbarga

 

 

http://www.revistalote.com.ar/nro081/resistencia.htm 

 

Première publication sur ce blog le 6 juin 2006

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